Des mineurs en danger majeur

Les foyers d’accueil étant saturés, la situation des jeunes étrangers isolés se dégrade en France. Quinze organisations ont saisi le Défenseur des droits, le 16 avril, pour l’alerter sur une situation dramatique.

Clémence Glon  • 26 avril 2012 abonné·es

Dans les couloirs du tribunal de Bobigny, il n’est pas rare de trouver des couvertures de survie. La journée, le bâtiment est le refuge de mineurs venus seuls de l’étranger, et qui errent de squats en soupes populaires. Ils attendent une ordonnance de placement pour accéder à un foyer d’accueil. Ceux-ci étant saturés, ils sont de plus en plus nombreux à espérer que la loi sur la protection de l’enfance les sortira de la rue.

Le 16 avril, quinze organisations, dont Hors-la-rue, DEI-France (Défense des enfants international), le Gisti (groupe d’information et de soutien des immigrés), le Secours catholique et le Collectif de soutien des exilés de Paris, ont saisi le Défenseur des droits. « Les jeunes qui n’ont pas de référent parental sont considérés comme des mineurs en danger. Ils doivent bénéficier du dispositif de protection des mineurs », explique Damien Nantes, président de Hors-la-rue. Tous ne sont pas sans papiers mais il est souvent difficile, face au juge des enfants, de prouver leur minorité. « Il y a une suspicion envers ces jeunes, poursuit Damien Nantes. On va jusqu’à demander un examen osseux pour vérifier leur âge, alors que la marge d’erreur est immense. »

Lorsque les jeunes concernés obtiennent une ordonnance de placement, les démarches administratives sont enclenchées. Pendant ce temps, ils doivent continuer à survivre dehors. « C’est ce qui est dramatique. L’État a l’obligation de les mettre à l’abri et de les prendre en charge », déplore Damien Nantes.
Selon Jean-Pierre Rosenczveig, président du tribunal pour enfants de Bobigny et de l’association DEI-France, les rapports rédigés depuis quinze ans n’ont rien changé à la situation. Depuis 2007 et la loi sur la protection de l’enfance, les départements sont responsables des mineurs isolés. Mais les conseils généraux manquent de moyens. Si toutes les collectivités ne sont pas concernées par la présence de mineurs isolés, Paris, la Seine-Saint-Denis et la région lyonnaise doivent faire face à une situation préoccupante.

« Depuis octobre, le conseil général de Seine-Saint-Denis cherche à faire bouger le gouvernement. Il n’accueille plus qu’un dixième des arrivées », alerte Jean-Pierre Rosenczveig. La solution provisoire trouvée par Michel Mercier, garde des Sceaux : confier les nouveaux arrivants aux autres départements de la grande couronne. « La consigne est de ne rien faire avant les élections. Pendant ce temps, des ordonnances de placement arrivent à échéance », s’inquiète Jean-Pierre Rosenczveig.

Selon Damien Nantes, mettre en place des dispositifs d’accueil à Paris représenterait 1 % du budget du conseil général. Derrière l’argument financier, c’est la peur de créer un appel d’air qui paralyserait les élus.
« Nous avons rendu des propositions au Défenseur des droits, indique Jean-Pierre Rosenczveig. Il faut identifier les responsabilités entre conseils généraux et ministère de la Justice, mettre en place une cellule technique. »

Autre requête : la création de cinq à dix pôles d’accueil au sein desquels des interprètes renseigneraient les mineurs sur leurs droits. « Si un jeune se voit refuser son statut de mineur isolé, il faut qu’il puisse exercer un recours. »
Aujourd’hui, quand un mineur accède enfin à une place en foyer ou en hôtel, sa prise en charge reste minime. Dans certains cas, il lui est possible de suivre des cours de français, mais sa formation s’arrête là. « La réalité, c’est qu’on ne veut pas dépenser un centime pour eux, affirme Damien Nantes. Une formation professionnelle et un Contrat jeune majeur d’un an permettraient une insertion ».

Le ministère de la Justice ne se penche sur le sujet qu’en cas de délinquance ; l’immense majorité des mineurs isolés ne commettent pourtant aucun délit. « Arrivés en France, ils évitent de se faire remarquer, précise Jean-Pierre Rosenczveig. Paradoxalement, c’est en commettant un délit qu’ils obligent l’État à les prendre en charge ! »

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