Ces gens sont laids

Sébastien Fontenelle  • 10 janvier 2013 abonné·es

Régulièrement – je parie que tu l’as noté –, la presse dominante nous entretient des horribles réalités du capitalisme made in France [^2] et des souffrances y afférentes : chômage, inégalités, pauvreté, Manuel Valls, etc. Le Monde, par exemple, s’est de trèèès longue date (ça remonte à si vieux que j’essaie même plus de compter) spécialisé dans le relevé consterné qu’il y a cheux nous – dans l’intérieur des frontières du xagone – de plus en plus de pauvres (rendez-vous compte, mâme Dupont, qu’on en dénombre désormais plus de huit millions), en même temps que, plus ponctuellement, dans le constat qu’il arrive que le prolétariat endure de rudes épreuves – et que les ex-salarié(e)s d’ArcelorMittal ont, par exemple, depuis quelques temps, de la difficulté à bien se faire à l’idée qu’ils pointeront sous peu chez chômedu : pour d’aucun(e) s, narrait l’autre jour « notre [^3] » journal de référence, qui avait dépêché nach la vallée de la Fensch (où sont Hayange et Florange) quelques tintins de compète, c’est même une véritable souffrance, aaah, mon Dieu, les pauuuvres gens.

Et certes : cette commisération peut donner l’impression qu’elle est admirable. Mais elle témoigne, en réalité, d’une hallucinante faux-dercherie – puisque, si nous y regardons d’un peu près, de quoi nous apercevons-nous-ce-t’on-ce [^4] ? De ce que les publications – quotidiennes ou hebdomadaires – qui s’apitoient des fois sur le triste sort des gueux – touche-moi ça si ça compatit – sont les mêmes qui, dans le même temps, mais avec infiniment plus d’une détermination limite obsessive, réclament toujours plus de mesures qui font qu’ils morflent un peu, beaucoup, passionnément, à la folie.

Juste avant de narrer, de leurs plumes trempées dans le trémolo, la misère de Florange, les gens du Monde avaient ainsi exigé à la une (mais pas que), par de râpeux éditoriaux (redoublés aussi de roboratives chroniques), que François Hollande (dont telle était bien l’intention, puisqu’il est « socialiste ») se désolidarise de son ministre du Redressement productif, après qu’icelui avait publiquement envisagé une (timide et temporaire) nationalisation du site d’Arcelor. En somme, les forgerons de l’opinion, qui se trouvent être aussi (comme nous savons d’ancienne date) les chiens de garde du capital, fabriquent et entretiennent, par leurs brutales exhortations à toujours plus de dérégulation(s), les tourments dont ils pourront ensuite, calfeutrés dans leurs sinécures, déplorer les effets dans de très brefs et très hypocrites accès de feinte compassion. Adoncques, ces gens sont laids – et il conviendrait que cette année nous les virions enfin, à grands coups de chaussures dans les parties molles. Mais même sans ça : je te la souhaite bonne.

[^2]: Et made in ailleurs aussi, maintenant que j’y pense, mais ne nous dispersons pas, on vient de passer plus de quinze jours sans se parler, alors recommençons doucement, si tu veux bien.

[^3]: Façon de parler…

[^4]: Nous-ce ?

Publié dans
De bonne humeur

Sébastien Fontenelle est un garçon plein d’entrain, adepte de la nuance et du compromis. Enfin ça, c’est les jours pairs.

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