Danielle Simonnet (PG) :« Le programme du PCF est à 90 % le nôtre »

À une semaine du vote du PCF sur les municipales à Paris, la tête de liste du Parti de gauche invite les militants communistes à faire un choix conforme à leur programme.

Michel Soudais  • 11 octobre 2013
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Danielle Simonnet (PG) :« Le programme du PCF est à 90 % le nôtre »
© Photos: Stéphane Burlot et Michel Soudais

Conseillère de Paris et candidate « anti-austérité » depuis sa désignation par les adhérents du Parti de gauche en juin, Danielle Simonnet est, à 42 ans, la troisième femme de la campagne municipale à Paris. Une militante au plein sens du mot. Aux législatives de juin 2012, dans la 6e circonscription de la capitale, gagnée par Cécile Duflot, elle avait obtenu 16,26 %, un record pour le Front de gauche. Consternée par le choix de la direction fédérale du PCF en faveur d’une alliance avec le PS, elle le juge incompréhensible au regard du programme que les communistes ont élaboré collectivement.

Illustration - Danielle Simonnet (PG) :<br>« Le programme du PCF est à 90 % le nôtre »

Politis : Avez-vous pris connaissance des 75 propositions du PCF pour Paris ? Et en avez-vous discuté avec les communistes parisiens, qui vont devoir choisir entre le PS et le Front de gauche ?
Danielle Simonnet : J’ai appris par la presse que le PCF avait élaboré un document de 75 propositions qui a dû servir de base de discussion avec le PS. Ces propositions n’ont pas été présentées dans les réunions du Front de gauche Paris. Je le regrette. Il aurait été plus naturel d’en débattre d’abord entre nous ! Sur mon insistance, on me les a remises. Et je trouve le document très intéressant.

Ce travail vous apparaît-il utile ?
Bien sûr ! Les communistes peuvent en être fiers ! J’y retrouve toutes les batailles que nous avons portées ensemble au Conseil de Paris.
La tonalité est très critique contre les mesures d’austérité du gouvernement et la poursuite des politiques libérales du gouvernement précédent. On peut lire : «  Pour améliorer le quotidien des Parisiennes et des Parisiens, pour conquérir de nouveaux services publics, il faudra impérativement que la future majorité municipale ait le courage de refuser les logiques d’austérité appliquées à l’échelle nationale et européenne. »
Le texte dénonce l’asphyxie des collectivités via la baisse des dotations de l’État, l’abandon de la dette de l’État due aux Parisiens. Le slogan qui vise à faire de Paris un «  pôle de résistance aux politiques d’austérité  » rejoint totalement notre slogan «  Faire de Paris la capitale de la résistance à l’austérité  ». Comme nous, les communistes critiquent le refus des dirigeants socialistes parisiens de recourir plus à l’emprunt et dénoncent leur dogme du gel de la masse salariale parisienne, qui condamne les services publics parisiens au sous-effectif et à une précarité toujours très forte.
Or, précisément, Bertrand Delanoë et Anne Hidalgo ont déjà témoigné de leur soumission à ce carcan de l’austérité. Ils adoptent le libéralisme (abandon et vente de patrimoine et d’équipements culturels, recours au marché, partenariats public-privé…) et ne cessent pas ailleurs d’exprimer leur soutien à la politique du gouvernement !

«Qui peut encore avoir confiance dans la promesse d’un dirigeant PS?»

Leurs propositions recoupent-elles votre programme ? Sur quels points ?

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Oui, pour 90% au moins ! Comme je le fais dans mon livre « À Paris, place au peuple ! »[^2], ils font de la bataille contre la spéculation immobilière et pour le logement social leur priorité. Nous partageons la critique de la loi Alur-Duflot, qui ne contribuera pas à la baisse des loyers  et peut «  surtout conduire à une augmentation des prix ». Nous partageons le constat sur l’aggravation de l’exode social et de l’embourgeoisement de la capitale, et les propositions « limiter le coût des loyers  », instaurer une «  taxe dissuasive sur les résidences secondaires  », fixer un objectif de «  30% de logements sociaux à Paris  ».  Or, précisément, la candidate PS ne formule aucune critique sur la loi Duflot, aucune proposition contre la spéculation. Elle reprend l’objectif de 30% de logements sociaux, mais pour 2030, et sans préciser s’il s’agira réellement de logement social ou du logement intermédiaire, et vante les partenariats publics-privés !

Les communistes préconisent une politique «  qui va à rebours des orientations aujourd’hui mises en œuvre à l’échelle nationale» . Ils fustigent «  la casse de l’hôpital public, à l’Hôtel-Dieu ou à Bichat, qui se poursuit malgré le changement de majorité ». Ils déclarent : «  Il est donc clair, par conséquent, qu’une politique de gauche digne de ce nom à Paris devra s’inscrire en faux contre ces logiques.  » Nous partageons leur proposition de «  décider d’un moratoire immédiat et sans condition concernant l’hôpital public  ». Or, précisément, Bertrand Delanoë et Anne Hidalgo soutiennent de fait, via leur adjoint Jean-Marie Le Guen, les choix scandaleux de l’AP-HP et du gouvernement ! Nous partageons la proposition communiste de réhabiliter et redynamiser les centres de santé municipaux, remunicipaliser la collecte des déchets, or ce sont ces mêmes dirigeants PS qui ont fermé ces centres et étendu la privatisation de la collecte !
Ils rappellent le combat que nous avons mené ensemble contre «  la mise en place de la réforme des rythmes scolaires à Paris  », précisant bien que «  Paris doit refuser de jouer le jeu du transfert de compétences de l’État vers les collectivités locales  ». Et la rentrée nous donne terriblement raison. Or, précisément, la candidate PS en est fière !

Je terminerai par un autre exemple. Les communistes exposent à juste titre qu’une des trois conditions pour rendre Paris moins cher est de « faire le choix d’un Grand Paris du partage et de la solidarité  ». Et précisent que, «  face à ces enjeux, la réponse apportée par le gouvernement et les députés socialistes à travers la Métropole du Grand Paris n’est pas la bonne  ». Et leurs députés, à juste titre, ont voté contre…
Certes, ils auraient obtenu l’engagement de la candidate en faveur de la gratuité des premiers m3 d’eau. Cette question me tient à cœur, et depuis le début de la mandature les élu-e-s PS s’y refusaient. Mais, aujourd’hui, qui peut encore avoir confiance dans la promesse d’un dirigeant PS ?

«Nous sommes ensemble dans les luttes»

Vous avez tout de même des points de divergence ou de désaccord avec eux ?
Oui, sur la planification écologique. Le terme n’est pas employé, et c’est dommage car nous le partagions dans la campagne présidentielle. Nous retrouvons notre désaccord sur le nucléaire : Ils défendent « une plus grande part d’électricité car l’électricité française est la plus décarbonnée d’Europe ». Nous préférons pour notre part assumer d’aborder aussi l’enjeu de la sobriété énergétique. Mais nous nous retrouvons sur la nécessité de promouvoir les énergies renouvelables, comme la géothermie. Nous développons par ailleurs plus de propositions écologiques. C’est vrai que nous avons eu jusqu’à présent des désaccords sur le projet de la Tour Triangle, que nous sommes plus conséquents contre la publicité ou la prolifération des ondes. Nous insistons plus sur l’enjeu de repenser l’aménagement du territoire au service d’une réduction des distances subies domicile-travail.

Votre réaction après le vote du Conseil fédéral du PCF exprimant à 67% sa préférence pour des listes d’union avec le PS dès le premier tour ?


Illustration - Danielle Simonnet (PG) :<br>« Le programme du PCF est à 90 % le nôtre »

La consternation ! Leur programme ne cesse de faire le lien entre les enjeux locaux et les logiques nationales. Il est en opposition frontale avec les choix d’accompagnement de l’austérité. Il est contraire aux renoncements libéraux qui se sont accumulés durant cette mandature et que poursuit la candidate PS Anne Hidalgo.
Comme je le disais, leur programme est équivalent au nôtre à au moins 90 %. Et encore, je suis persuadée qu’ils partagent nombre de propositions complémentaires que nous formulons sur l’art et la culture, l’implication citoyenne, les libertés associatives… Mais les militants communistes vont voter. Je ne peux que leur conseiller de lire attentivement le programme municipal qu’ils ont collectivement élaboré pour Paris. C’est en soi un des meilleurs argumentaire en faveur de listes autonomes. Nous sommes ensemble dans les luttes, restons ensemble dans les urnes ! Nous avons besoin des communistes pour poursuivre ensemble l’aventure du Front de gauche.  

[^2]: A Paris, place au peuple! , Danielle Simonnet, Ed. Bruno Leprince, 176 p., 5 euros.

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