Italie : Berlusconi lâché par les siens

Le Cavaliere voit une partie de la droite transalpine l’abandonner.

Olivier Doubre  • 10 octobre 2013 abonné·es

La gauche n’ose pas encore y croire. « Il y a deux ans, déjà, quand Berlusconi a été mis en minorité et a dû démissionner de la présidence du Conseil, on pensait en avoir fini. Et puis il est ressuscité ! Restons prudents ; il est encore très populaire dans le pays », soupire Angelo Mastrandrea, directeur adjoint d’ Il Manifesto, le quotidien de la gauche critique italienne. Toutefois, s’il n’est pas encore mort politiquement, Silvio Berlusconi est bel et bien à terre. Vendredi 4 octobre, par 15 voix contre 8, la Commission des élections et des immunités parlementaires du Sénat a approuvé la déchéance de son siège de sénateur, à la suite de sa condamnation définitive pour fraude fiscale. La première étape, avant un vote en séance plénière d’ici à vingt jours au maximum, où il a, sur le papier, tous les risques de perdre.

Mais on sait Berlusconi capable de tout, y compris d’acheter quelques voix parmi ses adversaires, comme on le soupçonne de l’avoir fait en 2008, entraînant la chute du gouvernement Prodi. Un soupçon qui pourrait d’ailleurs conduire à son arrestation dès qu’il aura perdu son immunité parlementaire, puisque l’enquête sur cette affaire a grandement progressé ces derniers mois. Et les juges, qu’il a insultés sans cesse pendant deux décennies, n’auront certainement pas envie de lui faire de cadeaux… Cependant, les ennuis du Cavaliere ne s’arrêtent pas là. Si ses intérêts personnels ont, deux décennies durant, coïncidé avec ceux de quasiment toute la droite italienne, il semble aujourd’hui que l’équation ne fonctionne plus. Pour la première fois, une partie importante des parlementaires de son parti, le Peuple de la liberté (PDL), et « ses » cinq ministres ont refusé de suivre ses injonctions à faire chuter le gouvernement Letta (fruit d’une alliance contre-nature, centre droit-centre gauche). À tel point que lui-même et ses fidèles se sont résolus, le 3 octobre, à le reconduire afin d’éviter une scission du PDL. Ses soutiens se limitent désormais à l’aile la plus droitière de cette formation. Le reste de celle-ci, emmenée par son ex-bras droit, le ministre de l’Intérieur Angelino Alfano (ancien démocrate-chrétien), se tourne de plus en plus vers le centre et souhaite maintenir l’alliance avec les plus modérés du Parti démocrate, dont le chef de file est aujourd’hui le président du Conseil, Enrico Letta (lui aussi d’origine démocrate-chrétienne). Tous caressant le vieux rêve d’une bonne part du personnel politique italien : reformer un large centre, comme le fut la Démocratie chrétienne, inamovible pendant près de cinquante ans.

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