Proche-Orient : Incohérences françaises

Le voyage de François Hollande engage la France sur des fronts diplomatiques et militaires où elle n’a rien à faire.

Denis Sieffert  • 7 mai 2015 abonné·es
Proche-Orient : Incohérences françaises
© Photo : AFP PHOTO/ POOL / CHRISTOPHE ENA

Décidément, François Hollande n’aura rien épargné à ceux qui se font encore une certaine idée de la gauche ! Certes, les ventes d’armes font depuis l’époque gaullienne partie de la bonne fortune de notre commerce extérieur. Et on est las de dénoncer les profits réalisés sur des instruments de mort. Mais les contrats de ces derniers jours (24 avions Rafale vendus au Qatar pour 6,3 milliards d’euros et vingt projets économiques avec l’Arabie saoudite pour « plusieurs dizaines de milliards d’euros » ) appellent tout de même quelques remarques.

C’est peu dire que le Qatar et plus encore l’Arabie saoudite ne sont pas des terres de droits humains, ni des havres de liberté. Alors même que François Hollande tente de sauver le Français Serge Atlaoui d’une peine de mort décidée par les autorités indonésiennes, le voilà célébrant le rapprochement avec un régime saoudien qui pratique la décapitation à tour de bras. Mais le Président français ajoute surtout à l’opération commerciale un zèle diplomatique qui n’était pas indispensable en se rendant lui-même à Doha pour la signature des contrats. Pire, il a accepté d’assister à Riyad à une réunion du Conseil de coopération du Golfe, instance militaro-politique qui s’est illustrée au cours des dernières années dans la répression des soulèvements au Bahrein, et actuellement au Yémen. La France espère ainsi profiter du refroidissement des relations entre Riyad et Washington autour du dossier du nucléaire iranien.

Au-delà du jugement moral que l’on peut porter sur la manœuvre, le risque diplomatique est grand car la France se met à dos durablement l’Iran au moment même où Téhéran risque de revenir dans le concert international. On observera évidemment que ce choix a une certaine cohérence dans le contexte de la guerre civile syrienne puisque l’Arabie saoudite soutient une partie des opposants à Bachar Al-Assad. Mais ce sont aussi ces pays du Golfe qui ont financé, au moins indirectement, Daech, que rejoignent certains jeunes Français. Sans compter que le sunnisme wahhabite saoudien inspire la plupart des salafistes dénoncés chez nous comme étant à l’origine du jihadisme. Bref, un voyage qui colle mal avec le discours tenu à Paris. On notera enfin que l’engagement de la France ne déplaira pas à Israël, qui a fait de l’Iran son « grand Satan » du moment. Ce qui n’est peut-être pas négligeable aux yeux du Président français.

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