Iran : un accord surtout stratégique

Le pays est réintroduit pleinement dans le « grand jeu » international.

Denis Sieffert  • 16 juillet 2015 abonné·es
Iran : un accord surtout stratégique
© Photo : BARRIA/AFP

Certes, on ne fait pas à l’Iran ce que l’on fait à la Grèce. Mais, tout de même, il y a de vagues similitudes entre le diktat imposé par les créanciers occidentaux à Athènes, et l’accord « historique » signé le 14 juillet à Vienne qui impose à l’Iran un renoncement à l’arme nucléaire. Dans les deux cas, les grandes puissances imposent leur volonté à un pays qui n’appartient pas à leur cénacle. L’Iran a donc dû aussi passer sous les fourches caudines des États-Unis et des Européens [^2]. Cela se concrétise par une série de dispositions qui allongent ce que les négociateurs ont appelé le « breakout time », c’est-à-dire le temps qu’il faudrait à l’Iran pour se doter de la bombe. Au lieu de deux à trois mois aujourd’hui, il faudrait au moins un an à partir de la mise en œuvre d’un accord qui prévoit la mise à l’arrêt des deux tiers des centrifugeuses qui servent à enrichir l’uranium, la réduction drastique des stocks existants, et la destruction de sites. Il s’agit donc d’une mise sous tutelle impliquant des contrôles par l’Agence internationale de l’énergie atomique. C’est cependant sur ce dernier point que Téhéran a résisté et obtenu des procédures programmées et limitées.

À la différence de la Grèce, l’Iran a une contrepartie très importante, puisque les sanctions économiques qui étouffaient le pays devraient être levées progressivement à partir du début 2016. Mais il existe aussi une dimension géostratégique qui est sans doute la principale motivation de Barack Obama dans ce dossier. L’accord, qui doit encore être ratifié par le Congrès américain et le Parlement iranien, devrait pleinement réintroduire l’Iran dans le « grand jeu » international. Les conséquences devraient s’en faire sentir en Syrie et en Irak, ainsi qu’au Yémen, et dans tout ce qu’on appelle « l’arc chiite ».

D’où l’inquiétude de l’Arabie saoudite, grand rival régional de l’Iran, et la colère du Premier ministre israélien, Benyamin Netanyahou. Israël aurait préféré un échec de la négociation, qui aurait relancé l’idée d’une offensive militaire. Israël qui n’a pas dû apprécier la gaffe de François Hollande dans son intervention du 14 juillet. Le Président français a justifié l’opposition de la « communauté internationale » à l’accès de l’Iran à l’arme nucléaire par un risque de prolifération en Arabie saoudite… et en Israël. Or, on sait que ce pays possède l’arme atomique depuis une cinquantaine d’années, et dispose de centaines de missiles. Si telle était la motivation, elle était bien fragile. À son insu, le Président français a réveillé le débat sur ces inspections que l’on impose à l’Iran et qu’Israël a toujours refusées. Si la politique internationale répondait à un quelconque souci d’équilibre et de justice, l’accord de Vienne devrait remettre à l’ordre du jour la question du nucléaire israélien. Mais nous savons que le monde ne « marche » pas comme ça…

[^2]: La négociation impliquait avec l’Iran le groupe 5+1 (Les membres du conseil de sécurité de l’ONU et l’Allemagne).

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