L’appel de Cécile Duflot

L’ancienne ministre publie un livre qui trace les contours d’une nouvelle force politique.

Patrick Piro  • 9 septembre 2015 abonné·es
L’appel de Cécile Duflot
© Photo : HUGUEN/AFP

Le tempo éditorial est parfait, et peut-être Cécile Duflot avait-elle vu arriver le coup : quelques jours après les remous suscités par le départ d’EELV de François de Rugy et de Jean-Vincent Placé, puis l’annonce de la création de leur nouveau mouvement politique – l’Union des démocrates et écologistes –, l’ancienne ministre, qui reste la personnalité la plus influente du parti écologiste, publie un ouvrage-manifeste où elle entend se placer au-dessus de la mêlée.

Après avoir réglé ses comptes avec le gouvernement [^2], Cécile Duflot propose, avec le Grand Virage [^3], un véritable programme pour la mutation de l’écologie politique. Un texte de la maturité politique pour celle qui ne s’était pas sentie prête pour la présidentielle de 2012. Elle pense à 2017, bien sûr, mais on lui fera crédit de se projeter au-delà. Cécile Duflot ambitionne ni plus ni moins de réussir là où ses prédécesseurs (Voynet, Cohn-Bendit, etc.) ont échoué : organiser la rencontre d’une philosophie politique novatrice (l’écologie) avec les « grands nombres ». Les principaux ingrédients sont connus, la députée de Paris les modernise cependant, y compris dans le vocabulaire (construire la République des biens communs, créer la justice environnementale, œuvrer au redressement écologique, etc.). C’est sur le « comment » qu’on attend celle qui martèle vouloir « redonner l’espoir » dans une France en plein marasme politique. Ancienne secrétaire nationale, elle livre d’abord un « mea culpa » : sur le moment, écrit-elle, je n’ai pas compris l’essence des revendications démocratiques des citoyens (rejet des partis, participation directe, etc.) manifestées dans le monde ces dernières années, y compris en 2009 à la constitution d’EELV, une idée neuve qu’elle s’accuse d’avoir gâchée – avec d’autres. Aujourd’hui, Cécile Duflot dit avoir compris * et lance un appel à « une nouvelle force ». Non pas un EELV élargi, ni un cartel de mouvements écolos et de gauche, mais un mouvement « majoritaire » fondé sur le paradigme de l’écologie politique avec, au cœur, les « citoyens ».* C’est-à-dire ceux dont rêve Cécile Duflot, au profil de blogueurs tunisiens, de manifestants des places Tahrir ou Taksim, de protestataires de la classe moyenne brésilienne, électeurs de Syriza ou de Podemos.

Pas de mode d’emploi. Mais pourquoi un tel espoir ne serait-il pas possible en France ?, défend-elle, avertissant les anciennes figures qu’il faudra envisager de laisser la place « aux jeunes ». Se compte-t-elle dans le nombre ? Elle qui fustige la sclérose du vieux monde politique, apparaîtra-t-elle qualifiée, aux yeux de son public potentiel, pour prendre le volant et engager ce grand virage, « européen puis transcontinental, parce que notre espoir est planétaire » ?

[^2]: De l’intérieur, voyage au pays de la désillusion, avec Cécile Amar, Fayard, 2014.

[^3]: Le Grand Virage, les Petits Matins, 124 p., 10 euros.

Politique
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