Les cadres du PCF refusent de soutenir la candidature de Mélenchon

En optant pour la présentation d’un candidat communiste à la présidentielle, la conférence nationale des communistes a désavoué Pierre Laurent qui plaidait mollement pour un soutien au chef de file de la France insoumise.

Michel Soudais  • 6 novembre 2016 abonné·es
Les cadres du PCF refusent de soutenir la candidature de Mélenchon
© Photo: Conférence nationale du PCF à la Cité des Sciences à Paris (Michel Soudais).

C’est un vote « préférentiel », mais il est politiquement chargé de sens. Samedi, après six heures d »un débat animé, la conférence nationale du PCF a voté contre un soutien à Jean-Luc Mélenchon en vue de l’élection présidentielle, mettant ainsi en minorité le secrétaire national du PCF, Pierre Laurent.. Sur les 519 votants, 274 ont choisi l’option d’une candidature communiste pour la présidentielle (55,69 %). Celle appelant à voter pour l’ancien candidat du Front de gauche en 2012, qui avait la préférence de Pierre Laurent, n’a recueilli que 218 voix (44,31 %), tandis que 27 votants se sont abstenus.

À l’annonce des résultats, plusieurs délégués du Pas-de-Calais, une fédération qui conteste les orientations de la direction depuis le congrès de Martigues (2000), ont bruyamment applaudi un résultat qualifié par eux d’« historique ». De mémoire, c’est en effet la première fois que le choix du numéro un communiste est ainsi désavoué. La veille, devant quelques journalistes invités et en réponse à leurs questions, le secrétaire national, déjà fortement contesté au 37e congrès, avait dévoilé sa position du bout des lèvres.

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Malgré ce revers personnel, dû à une coalition hétéroclite de communistes des courants orthodoxes et identitaires ou attachés à des alliances avec le PS, Pierre Laurent a déclaré devant les caméras ne voir « aucune dramatisation dans la situation ». « C’est la démocratie. Il y a un vote et j’en respecte la teneur. » S’efforçant de faire bonne figure, alors qu’il venait tout juste de prendre connaissance des résultats au moment de conclure la journée, il a vanté dans son discours de clôture la qualité du débat au sein du PCF, « une belle leçon de démocratie, une extraordinaire leçon de vie politique », se disant « plus que jamais fier d’être le secrétaire national » de ce parti.

En fin de matinée, devant les délégués de la conférence nationale, le secrétaire national du PCF avait mollement défendu l’option d’un appel à voter Jean-Luc Mélenchon, assurant que ce choix n’était pas un ralliement et ne devait « conduire en aucune manière à mettre en cause l’autonomie de parole et d’initiative politique du Parti communiste ». Qu’il n’est pas question d’intégrer la France insoumise ni de signer « la charte législative qui oblige le rattachement des candidats à ce mouvement ». Que le PCF continuerait d’appeler Jean-Luc Mélenchon « à faire un pas vers l’élargissement et l’ouverture de sa démarche »

Pierre Laurent avait même expliqué que la recherche d’un rassemblement capable d’empêcher la droite et l’extrême droite d’être toutes deux au second tour primait et qu’en conséquence toute décision de candidature serait « évolutive » :

Si un rassemblement plus ample grâce à notre travail et nos initiatives est possible sur la base d’un accord politique nous saisirons la perche sans hésiter.

Si la question est de faire valoir la conception du rassemblement des communistes, les opposants à l’option Mélenchon, très applaudis dès le début de la matinée, ont défendu qu’il valait mieux afficher un candidat communiste qui donne de la visibilité aux candidats du PCF aux législatives. Le député du Puy-de-Dôme, André Chassaigne, un des noms les plus souvent cité pour être ce candidat, a ainsi dit ne pas croire « qu’au sein d’une campagne menée par Jean-Luc Mélenchon, on puisse porter nos propres idées, ce n’est pas possible ». Le président du groupe GDR à l’Assemblée nationale s’est aussi élevé contre l’idée qu’il y aurait deux gauches irréconciliables.

© Politis

Des secrétaires fédéraux ont souligné la menace que représentent aux législatives les potentiels candidats de La France insoumise. « Nous devons peser dans l’élection présidentielle mais aussi dans les 577 circonscriptions lors des élections législatives », a ainsi exhorté Fabien Roussel, secrétaire fédéral du Nord (photo). « Dans le département du Nord, nous avons trois députés sortants. Ce sont des enjeux importants. Et il y aura des élections sénatoriales en octobre. Qu’est-ce qui empêchera d’avoir des candidatures France insoumise ? », a-t-il demandé, prophétisant un affaiblissement critique du PCF. Plusieurs intervenants ont craint qu’une deuxième absence d’un candidat communiste à la présidentielle après 2012 ne marque la disparition de leur parti.

La décision finale dépendra du vote des adhérents

Toutefois, le vote de la conférence nationale, instance composée des membres du conseil national, de délégations élues par les conseils départementaux et de délégations élues par les groupes communistes à l’Assemblée nationale et au Sénat, n’est pas définitif. La position du PCF sera arrêtée par un vote des adhérents – la direction en revendique 50 000 à jour de cotisation – dans leur section ou fédération organisé entre le 24 et le 26 novembre. Comme les délégués à la conférence nationale, dont le choix sera rappelé sur leur bulletin de vote, ils devront choisir entre deux options :

Option 1 : Les communistes décident d’appeler à voter pour Jean-Luc Mélenchon, considérant qu’un rassemblement peut s’opérer avec cette candidature et qu’elle porte une grande partie des propositions de la gauche alternative à l’austérité. Tout en poursuivant leurs efforts pour une candidature commune, les communistes porteront cet appel en conservant leur autonomie, critique et constructive, et travailleront à un cadre collectif de campagne afin d’œuvrer à la construction d’un rassemblement le plus large possible.

Option 2 : Les communistes décident de présenter une candidature issue de leurs rangs, considérant qu’elle est le moyen de porter dans le débat nos propositions et notre démarche de rassemblement. Des camarades sont disponibles. Cette candidature pourrait, si la situation l’exige, sur la base d’un accord politique et après consultation des adhérent-e-s, se retirer au profit d’une candidature commune d’alternative à l’austérité telle que nous le proposons. Si cette option est retenue, le conseil national soumettra le choix d’une candidature à la ratification des communistes.

Les adhérents confirmeront-ils le vote de la conférence nationale ? Ou suivront-ils leur secrétaire national ? Interrogé à l’issue de la journée, Pierre Laurent a assuré qu’il allait « continuer à essayer de convaincre dans les semaines qui viennent ». Sur Facebook, Marie-George Buffet a déploré que la conférence nationale, en _« privilégiant une candidature communiste », « casse tout [le] combat » pour « créer une alternative à gauche, une dynamique, un espoir ». Avant d’appeler ses camarades à se ressaisir :

Reste pour que l’espoir ne soit définitivement éteint, pour que notre combat ait encore une actualité, le vote des adhérents et adhérentes, ami-es et camarades pensons au sens de notre engagement et pas à nous même.

Les jours qui viennent promettent d’intenses échanges entre communistes. Plusieurs milliers participent déjà à la campagne de la France insoumise.