EELV se donne 150 jours pour refonder le parti

Marine Tondelier a lancé les états généraux de l’écologie. Pour élaborer d’ici à juin une nouvelle feuille de route capable de renouveler son parti, la secrétaire nationale d’Europe Ecologie-Les Verts mise sur la participation citoyenne.

Rose-Amélie Bécel  • 10 février 2023
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EELV se donne 150 jours pour refonder le parti
Marine Tondelier, secrétaire nationale d'EELV et Noël Mamère, lors du lancement des états généraux de l'écologie à Paris, le 9 février 2023.
© Bertrand GUAY / AFP

C’est sur une péniche parisienne, face à la tour Eiffel, que s’étaient donné rendez-vous les élus d’Europe Ecologie-Les Verts (EELV) ce jeudi 9 février, pour lancer leurs états généraux de l’écologie. En 150 jours, ils souhaitent refonder le parti en élargissant sa base militante, avec pour objectif d’atteindre le million de sympathisants d’ici 2027.

Marine Tondelier, élue secrétaire nationale d’EELV le 10 décembre dernier, a ouvert ces états généraux par un constat : « Nous, écologistes, avons collectivement échoué lors de la séquence électorale de 2022 à apporter le changement dont le pays avait besoin, alors même que la conscience écologiste n’avait jamais été aussi élevée. »

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Alors, pour tenter de renouer avec la victoire, EELV souhaite répliquer la méthode des dernières élections municipales. En 2020, le scrutin avait été marqué par une vague verte historique dans les grandes villes françaises, à Lyon, Strasbourg, Bordeaux ou encore Grenoble.

La recette gagnante, selon Marine Tondelier, se trouve dans « des méthodes de concertation qui ont permis aux écologistes de se dépasser, de construire des listes et des projets avec des citoyens motivés et des collectifs engagés ». La refondation d’EELV devra ainsi passer par un processus de concertation citoyenne.

À cette fin, les écologistes ont ouvert un site internet sur lequel les citoyens peuvent répondre à un questionnaire et déposer leurs doléances – sous forme de textes, fichiers audio ou vidéo – concernant la refondation du parti. Des ateliers d’échanges devraient également être organisés dans toute la France.

A partir du mois de mai, les propositions qui auront émergé seront discutées au sein de conférences citoyennes, composées par tirage au sort de participants ayant contribué à la première phase des consultations. En juin, la feuille de route de ce nouveau mouvement écologiste devra être validée lors d’une « grande convention de la refondation ».

Lier luttes sociales et écologistes

La composition du comité de pilotage de ces états généraux laisse entendre que l’objectif premier de la refondation d’EELV reste l’élargissement du parti à toutes les formes d’écologies. Sous l’égide de la maire de Poitiers Léonore Moncond’huy et du député d’Indre-et-Loire Charles Fournier, la quarantaine de personnalités qui constituent ce comité sont, pour moitié, issues de la société civile.

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Dans ce comité, on retrouve des scientifiques comme la spécialiste de la pollution de l’air Marie-Blanche Personnaz, qui s’engage pour la première fois dans une démarche politique, lassée de « faire des rapports en pensant que les élus vont comprendre les messages d’urgence et agir ».

L’écologie ne doit pas s’éloigner des quartiers populaires et de la question sociale en général.

D’autres personnalités se mobilisent dans un souci de lier luttes sociales et écologistes : la figure du mouvement des gilets jaunes Priscillia Ludosky, le président du Conseil représentatif des associations noires de France (CRAN) Nassurdine Haidari, ou encore Amine Kessaci – fondateur de l’association de lutte contre les discriminations Conscience.

Dans une vidéo diffusée lors du lancement des états généraux, le jeune homme originaire des quartiers nord de Marseille expliquait ainsi son engagement : « Aujourd’hui, l’écologie ne doit pas s’éloigner des quartiers populaires et de la question sociale en général. »

Une refondation, et après ?

Difficile de cerner à l’avance les grandes thématiques qui seront discutées lors de ces états généraux. Ce qui servira de base à la refondation du parti reste donc encore flou. « Ces 150 jours seront d’abord un moment d’écoute, un moyen de se faire interpeller par la société sur la façon dont elle perçoit et veut voir évoluer le projet écologiste. Si nous venons de notre côté avec des pistes de refondation préétablies, ça ne conduira pas à un vrai changement », justifie David Cormand, eurodéputé et ancien secrétaire national du parti.

ZOOM : Yannick Jadot candidat au Sénat à Paris

Hasard de calendrier ? Alors qu’EELV lançait ses états généraux de l’écologie, l’eurodéputé Yannick Jadot – absent de la réunion en raison de l’intervention de Volodymyr Zelensky à Bruxelles – déclarait au Parisien qu’il serait candidat aux élections sénatoriales à Paris, en septembre.

L’ex-candidat à la présidentielle de 2022 affirme soutenir la « démarche d’ouverture courageuse et indispensable » de Marine Tondelier. Interrogé sur la possibilité d’un « candidat commun de la Nupes » à la présidentielle de 2027, Yannick Jadot estime avoir tiré la leçon de 2022 : « 0n aura besoin d’un candidat ou d’une candidate des écologistes et de la gauche. » Une formulation suffisamment énigmatique pour laisser la porte ouverte à une large union… ou une entente plus restreinte.

De son côté, Marine Tondelier conclut son discours de lancement des états généraux avec enthousiasme : « En 2023, nous, écologistes avons rendez-vous avec notre histoire, avec le vivant et avec nos prochaines victoires. » Mais, sans jamais mentionner directement l’échéance des élections européennes de 2024, les débouchés électoraux de ce processus de renouvellement et d’ouverture d’EELV restent peu clairs. « Encore ? », s’exaspère la secrétaire nationale du parti lorsque lui est posée la question d’une alliance avec la Nupes pour ce prochain scrutin.

« Quand c’est non, c’est non », avait-elle insisté au micro de France Inter en décembre. Mais malgré elle, le débat est tout de même relancé. Notamment par Génération.s, allié d’EELV au sein du Pôle écologiste, le mouvement créé par Benoît Hamon s’étant prononcé à son dernier congrès pour une liste commune aux européennes.

Dans un tweet citant l’interview donnée il y a quelques jours par Marine Tondelier au JDD pour annoncer la tenue des états généraux de l’écologie, la vice-présidente du groupe écologiste à l’Assemblée nationale Sophie Taillé-Polian interpelle la dirigeante : « Si “rien n’est écrit” comme tu le dis, alors laissons place au débat sur une liste commune Nupes aux élections européennes. » Aux participants des états généraux de l’écologie de trancher ?

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