Molière reprend la route

Entre les murs de sa jeune et formidable utopie théâtrale qu’est le Moulin de l’Hydre dans le bocage normand, Simon Falguières a créé Molière et ses masques. Une comédie itinérante dont le héros éponyme est traité avec une liberté joyeuse, riche en ponts vers le présent.

Anaïs Heluin  • 18 septembre 2024 abonné·es
Molière reprend la route
La vie de Molière est expédiée par les six acteurs avec un humour qui puise à des sources diverses.
© Cie LeK

Molière et ses masques / Le Moulin de l’Hydre / Représentations en itinérance autour des Transversales de Verdun (55) : le 25 septembre à Hanonville-sous-les-Côtes, le 26 à Stenay, le 27 à Verdun et le 28 à Drompcevrin / Tournée en itinérance entre le Moulin de l’Hydre et la Comédie de Caen au printemps 2025.

À l’heure où les coupes budgétaires dessinent pour le monde de l’art et de la culture, comme pour l’ensemble des services publics, un horizon bien sombre, il est des aventures qui brillent telles des lucioles pasoliniennes. Le Moulin de l’Hydre, fabrique théâtrale installée dans une ancienne filature normande du XIXe siècle par Simon Falguières et une poignée d’amis, en fait partie. Alors que, dans les institutions qui lui sont dédiées, le théâtre public accuse le coup, le voilà qui prend place dans ce lieu inattendu, que la petite bande restaure depuis quatre ans environ, où elle vit et organise déjà bien des choses : des résidences de création, des ateliers pour les habitants, ou encore le festival du Moulin de l’Hydre, dont la 3e édition a eu lieu les 6 et 7 septembre 2024.

Sur le même sujet : « Il nous faut imaginer la politique culturelle de demain »

À cette occasion, le village de Saint-Pierre d’Entremont (Orne) a vu naître la nouvelle création du maître des lieux : Molière et ses masques. Sous-titrée Farce rêvée sur la vie et la mort de Molière, cette pièce itinérante (actuellement aux Transversales de Verdun), conçue dans la fabrique encore en travaux, est un condensé du geste théâtral de Simon Falguières, qui s’incarne souvent dans de vastes épopées comme son Nid de cendres (2018) de 13 heures avec 19 comédiens. Ici, six interprètes seulement doivent faire vivre l’esprit de troupe qu’entretient vaillamment le metteur en scène.

« Nous ne sommes pas Molière, mais notre art est le même »

Leur réussite est d’autant plus réjouissante qu’elle sert le désir des nouveaux résidents de ne pas rester reclus en leur Moulin. En choisissant pour sujet la figure très populaire de Molière, ils affichent leur désir d’aller à la rencontre de tous, à commencer par celles et ceux qui vivent éloignés du théâtre. La démarche, qui aurait bien pu n’être que vertueuse, est forte de la grande liberté que prennent les artistes avec leur figure tutélaire. Tel un diable surgi d’une boîte, Charly Fournier donne le ton avec un prologue où il incarne une sorte de créature de foire affirmant : « Nous ne sommes pas Molière, mais notre art est le même. »

Entre hier et aujourd’hui, ce Molière jette de biens drôles de ponts.

Sur un tréteau blanc tout simple auquel est accroché un rideau de la même couleur, la vie de Molière est expédiée par les six acteurs avec un humour qui puise à des sources diverses. La farce, façon commedia dell’arte, est l’une d’elles : tous, à l’exception d’Anne Duverneuil, assignée au rôle-titre, s’y livrent avec masques et grands gestes pour jouer quelques brefs extraits de l’œuvre de Molière. Un comique plus discret, plus actuel, traverse les scènes consacrées aux relations du célèbre auteur avec les puissants de son temps, atteints pour certains par l’obscurantisme alors en pleine expansion. Entre hier et aujourd’hui, ce Molière jette de biens drôles de ponts.

Recevez Politis chez vous chaque semaine !
Abonnez-vous
Théâtre
Temps de lecture : 3 minutes