COP 30 : peut-on encore y croire ?

Dix ans après la signature de l’accord de Paris, la conférence pour le climat qui se tient cette année à Belém, au Brésil, doit acter la mise en œuvre d’une transition juste.

Vanina Delmas  • 10 novembre 2025
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COP 30 : peut-on encore y croire ?
© Mario Fuentes / 2degrees-petition

Le 12 décembre 2015, Laurent Fabius marquait les esprits avec son petit marteau en bois en forme de feuille verte et sa phrase solennelle : « Je ne vois pas d’objection dans la salle. Je déclare l’accord de Paris pour le climat adopté. » Celui qui était alors ministre des Affaires étrangères et président de la COP 21 actait l’adoption de cet accord majeur visant à contenir le changement climatique, ratifié par 195 pays.

Ceux-ci se sont donc engagés à soumettre des plans climat plus ambitieux tous les cinq ans afin d’atteindre la neutralité carbone en 2050. Trois pays seulement n’en font pas partie : l’Iran, le Yémen et la Syrie. Les États-Unis s’en retirent en janvier 2026. Depuis dix ans, la grand-messe annuelle du climat est scrutée et souvent jugée décevante, au vu des événements climatiques extrêmes de plus en plus fréquents et intenses : pluies torrentielles, inondations dévastatrices, ouragans puissants, vagues de chaleur, incendies de forêt…

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La Terre ne cesse de se réchauffer, et ses habitant·es d’en subir les conséquences. Selon le rapport de l’Organisation météorologique mondiale, « L’État du climat pour la COP 30 », publié le 5 novembre, les onze dernières années sont les plus chaudes jamais enregistrées. Pour la période janvier-août 2025, la température moyenne mondiale a dépassé de 1,42 °C celle de l’époque préindustrielle.

L’objectif de l’accord de Paris est clair : maintenir « l’augmentation de la température moyenne mondiale bien en dessous de 2 °C au-dessus des niveaux préindustriels » et poursuivre les efforts « pour limiter l’augmentation de la température à 1,5 °C ». Pour Françoise Vimeux, climatologue et directrice de recherche à l’Institut de recherche pour le développement (IRD), « il est très illusoire, voire utopiste » de penser qu’on peut toujours tenir l’objectif de 1,5 °C.

L’accord de Paris doit rester l’étoile polaire de l’action climatique, quoi qu’il en coûte. Il est en danger mais il n’est pas mort.

F. Petitbon

« Les nouveaux engagements des pays montrent qu’on va enfin stabiliser les émissions mondiales de gaz à effet de serre (GES), puis les diminuer à horizon 2035 de 10 à 15 % par rapport à 2019. Mais ce n’est toujours pas suffisant, car il faudrait une réduction de 60 % d’ici à 2035 par rapport à 2019 pour rester sous la barre des 1,5 °C, et de 40 % pour rester sous les 2 °C », détaille-t-elle.

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« L’accord de Paris doit rester l’étoile polaire de l’action climatique, quoi qu’il en coûte. Il est en danger mais il n’est pas mort. Malgré les nombreuses attaques, il tient bon ! Les États-Unis en sortent pour la deuxième fois, mais aucun autre pays ne les a suivis malgré les risques du côté de l’Argentine, ajoute Fanny Petitbon, responsable France pour l’ONG 350.org, qui suit les COP depuis dix ans. Mais aujourd’hui, on voit où ça pèche : la mise en œuvre est confrontée aux réalités économiques, ainsi qu’à la montée du climatoscepticisme et de l’extrême droite dans le monde. L’action climatique est souvent présentée comme punitive. Or, plus on attend pour agir, plus les impacts et les coûts seront élevés. »

Une sortie différenciée des énergies fossiles

Parmi les nombreux sujets de discussions de la COP 30, qui se tient à Belém, au Brésil, du 10 au 22 novembre, le manque d’ambition des États sera l’une des clés pour définir la nouvelle route à suivre pour les dix prochaines années. « Jusqu’à présent, la trajectoire était de +3 °C en 2100. Est-ce que ces nouveaux plans climat nous rapprochent plutôt de 2,5 °C ? Il faut étudier à quel point les engagements ont été tenus ces dernières années et quelle méthode les pays comptent employer. Finalement, la question de fond reste : comment s’organise-t-on pour sortir des énergies fossiles ? », glisse la climatologue de l’IRD.

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D’un côté, une véritable révolution des énergies renouvelables a eu lieu ces dernières années, qui a permis d’enrayer l’émission de GES. Selon le groupe de réflexion sur l’énergie Ember, le solaire, l’éolien et l’hydroélectricité (combinés au nucléaire) ont fourni plus de 40 % de la production mondiale d’électricité en 2024, et ont vu leur coût diminuer fortement. Sur le premier semestre 2025, l’éolien et le solaire ont produit plus d’électricité à l’échelle mondiale que les centrales à charbon : une situation inédite dans l’histoire. Cependant, ils ne remplacent toujours pas les énergies fossiles, qui, elles aussi, continuent d’augmenter.

Selon le bulletin annuel de l’Organisation météorologique mondiale, les taux d’accroissement du CO₂ « ont triplé depuis les années 1960 ».

Selon le bulletin annuel de l’Organisation météorologique mondiale (OMM), les taux d’accroissement du CO₂ « ont triplé depuis les années 1960 », et sa concentration dans l’atmosphère a atteint un niveau record en 2024. La combustion de charbon, de pétrole et de gaz est à l’origine de près de 90 % des émissions mondiales de CO₂. En cause : les activités humaines, la hausse des feux de forêt et la réduction de la capacité d’absorption du CO₂ par les « puits » (écosystèmes terrestres, océans, etc.). La mise en cause des énergies fossiles avait soigneusement été esquivée en 2015. Lors de la COP 26, à Glasgow, une quarantaine de pays avaient concédé une « sortie progressive » du charbon.

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Mais c’est en 2023, lors de la COP 28 de Dubaï, que les États ont lancé pour la première fois un vrai signal politique pour la sortie des énergies fossiles, même si le texte a été amoindri par les lobbys pétroliers. « Cette année, il faut rapidement acter un calendrier de sortie des énergies fossiles qui soit différencié selon les pays en raison de leur responsabilité historique, précise Fanny Petitbon. On attend beaucoup plus de la Norvège, des États-Unis ou de l’Union européenne (UE) que des pays du Sud global, qui ont moins émis historiquement et ont moins les moyens pour l’instant de mettre en place cette transition. »

La parole à la société civile

La justice climatique est l’autre point de vigilance de cette COP 30, à Belém. Les pays du Sud comptent bien faire entendre leurs voix, notamment sur le volet de la finance climat. Lors de la COP 29 à Bakou (Azerbaïdjan), considérée comme « un fiasco », les pays riches tels que les États-Unis, le Japon ou l’UE avaient promis au moins 300 milliards de dollars par an d’ici à 2035 pour aider les pays du Sud à affronter le réchauffement global.

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Or, selon les estimations de l’ONU, le Sud global aurait besoin de 1 300 milliards de dollars d’aide climatique par an d’ici à 2035. En outre, « près des deux tiers de ces financements ont été accordés sous forme de prêts, souvent à des taux d’intérêt standards, sans conditions préférentielles. Le financement climatique alourdit chaque année la dette des pays en développement, qui s’élève désormais à 3 300 milliards de dollars », précise une étude des ONG Oxfam et Care.

« Les discours des pays du Nord consistent à dire que les financements publics sont bloqués, et qu’il faut compter sur la finance privée pour combler ce manque. C’est hypocrite et cela marque seulement une absence de courage politique car les marges de manœuvre pour aller chercher de l’argent existent : supprimer les subventions aux combustibles fossiles, imposer une taxe sur les profits des entreprises fossiles et sur les billets d’avion, taxer les ultrariches, etc. », clame Fanny Petitbon.

C’est le seul cas dans notre histoire où on se réunit chaque année pour parler d’un problème mondial et tenter de le résoudre.

F. Vimeux

Les organisations de la société civile travaillent pour faire émerger la mise en place du Mécanisme d’action de Belém pour une transition juste (en anglais, Belém Action Mechanism for Just Transition) pour faciliter l’accès aux financements, avec comme boussole la justice climatique, et créer un réseau mondial favorisant le partage d’expériences et la coopération entre États.

Malgré les imperfections de ces conférences pour le climat, François Vimeux tient à rappeler leur utilité. « C’est le seul cas dans notre histoire où on se réunit chaque année pour parler d’un problème mondial et tenter de le résoudre. Cette année, de nouvelles feuilles de route seront données pour les dix prochaines années, elles seront décisives pour notre trajectoire climatique. Mais il ne faut pas être trop en attente et croire que ce sera la COP qui va nous sauver. »

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Cette COP 30, au cœur de la forêt amazonienne, devra montrer que le multilatéralisme peut encore faire ses preuves, même dans un contexte politique mondial instable. La société civile, contrainte de se taire pendant les trois précédentes années (en Égypte, aux Émirats arabes unis et en Azerbaïdjan), ne manquera pas de reprendre sa place dans la rue et dans les médias pour rappeler aux chefs d’État que le monde les regarde.

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