Gaza : premier bilan

Pendant que la population palestinienne continue de s’approvisionner en Égypte, le Hamas fait la démonstration qu’il est politiquement incontournable.

Denis Sieffert  et  Marine Raté  • 31 janvier 2008 abonné·es

S’il est encore trop tôt pour tirer un bilan économique et humain des récents événements de Gaza, le bilan politique, lui, est évident. La tentative d’asphyxie de tout un peuple par le blocus est vouée à l’échec. Ce n’est pas seulement le mur de Rafah ­ qui sépare la bande de Gaza de l’Égypte ­ qui a explosé, c’est la stratégie internationale d’isolement du Hamas. L’échec politique, qui est d’abord celui d’Israël, est aussi celui de l’Autorité palestinienne, dans leur volonté, hélas conjointe, de boycotter le mouvement islamiste et de prendre en otage une population qui a voté pour lui. Rien ne se fera sans le mouvement qui a remporté les élections de janvier 2006, qu’il plaise ou non. C’est aussi l’échec d’un discours qui vise à faire croire que le Hamas serait la cause du conflit, ou que les roquettes tirées par des activistes sur le territoire israélien seraient le principal obstacle à un règlement.

Sur le terrain, on y voyait plus clair, lundi, sur la stratégie du Caire. À la fois sommée par Israël de refermer ses frontières et désireuse d’éviter une répression que la population n’accepterait pas, l’Égypte s’est efforcée d’assécher l’approvisionnement d’El-Arich et de la partie égyptienne de Rafah. Les autorités espèrent ainsi limiter l’afflux des Palestiniens de la bande de Gaza, victimes depuis le 17 janvier du blocus israélien. La police égyptienne a commencé à bloquer des dizaines de camions qui faisaient la navette entre Rafah et El-Arich, à 45 km à l’ouest de la frontière. Najah Abou Nasser, 44 ans, mère de 9 enfants, venue de Jabalia, au nord de la bande de Gaza, constatait : « Nous sommes venus pour rien, les magasins sont fermés, et les Égyptiens nous traitent mal. » Mais un autre Gazaoui, Saïd Kilani, affirmait : « Nous resterons ici tant que nous ne serons pas réapprovisionnés. »

Tous les véhicules qui repartaient lundi vers le territoire palestinien étaient encore chargés de bétail, de riz, de bois ou de produits alimentaires, alors que d’autres continuaient d’arriver par vagues successives. « Sans l’accord du Hamas, qui a réussi un joli coup en faisant sauter le mur, l’Égypte ne peut pas reverrouiller sa frontière » , estimait Ezzedine Choukri-Fishere, directeur de projet au Centre de réflexion international Crisis Group. Dimanche, le ministre égyptien des Affaires étrangères, Ahmed Aboul Gheit, avait annoncé : « L’Égypte prendra toutes les mesures appropriées pour contrôler dès que possible la frontière avec la bande de Gaza » , mais sans préciser ni les moyens, ni les délais. Pour Ezzedine Choukri-Fishere, le meilleur moyen est l’option diplomatique.

L’Égypte a invité séparément le président palestinien, Mahmoud Abbas, et les responsables du Hamas pour trouver un arrangement. Mahmoud Abbas souhaite reprendre le contrôle des points de passage de Gaza, sans la participation du Hamas. Hypothèse que le Hamas, évidemment, rejette.

De son côté, le chef du Hamas, Khaled Mechaal, qui vit en exil à Damas, est arrivé dimanche à Ryad pour s’entretenir avec le chef de la diplomatie saoudienne, le prince Saoud Al-Fayçal. L’Arabie Saoudite avait déjà joué un rôle important en février, lors d’un accord de partage du pouvoir entre le Hamas et le Fatah. Mais c’était avant les affrontements du mois de juin et la rupture entre le Hamas et le Fatah. Chacun est bien conscient, dans le monde arabe, que la solution passe par un retour au dialogue entre les factions palestiniennes. Et, plus largement, par une reconnaissance internationale du Hamas. Israël et les États-Unis s’y refusent. L’Union européenne ne montre, comme d’habitude, aucune capacité d’autonomie politique. Reste le président de l’Autorité palestinienne, qui a choisi la voie du boycott dictée par Israël. Quelle contrepartie peut-il espérer de cette stratégie ? La colonisation qui se poursuit en Cisjordanie après la réunion d’Annapolis du mois de novembre, et ce malgré les déclarations de George W. Bush, montre qu’il n’a rien à attendre d’une intransigeance qui l’isole de son peuple et divise les Palestiniens.

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