Pensées du sage sino-poitevin

Sébastien Fontenelle  • 30 avril 2009 abonné·es

Dans le Monde (27 avril), « M. Raffarin » , penseur poitevin, juge que « la France ne peut pas donner le sentiment de ne pas être un État de droit, en matière sociale » , et cette observation (frappée au coin du bon gros sens bien d’cheux nous dont M. Raffarin, de longue date, porte haut le gonfalon) a dans un premier temps semé la panique au Medef, où l’on a (sottement) cru que l’ « ancien Premier ministre » exigeait par ces mots plus de justice sociale, et (donc) la prompte réduction des patrons licencieurs qui n’en finissent plus de martyriser la plèbe.

Ce n’était bien entendu pas le cas : M. Raffarin, par son crâne rappel au « droit », réclame, certes, plus de résolue « fermeté » – mais cette rigueur, de son point de vue, doit s’appliquer aux impudents « salariés en colère » qui ont le front de séquestrer leurs employeurs, et non aux employeurs qui sacrifient leurs salarié(e)s à de pansus fonds de pensions de Corpus Christi, Texas.
Cette rude exhortation de M. Raffarin à soumettre les insolents qui osent (enfin) répondre aux inconcevables brutalités que leur fait subir le patronat n’est pas complètement surprenante : M. Raffarin est (non moins que Mme Royal, qui nous vient du Poitou itou) d’une famille politique où la satisfaction du prolétariat n’est pas exactement une tradition.

Plus étonnante est l’argumentation qu’il développe pour fonder cette admonestation,
et que le Monde résume ainsi : « Les séquestrations de patrons nuisent à l’attractivité du pays. » Pour le dire autrement : l’investisseur étranger pourrait s’offusquer, si on ne les mate pas très rapidement, de ce que des salarié(e)s françai(se)s interpellent (fût-ce un peu vivement) les fabricants de plans sociaux du patronat, plutôt que de se laisser virer en paix comme font les esclaves bien élevés. Pis : l’investisseur étranger pourrait faire le choix, tragique, de mettre son argent ailleurs
– sous des latitudes où la main-d’œuvre serait mieux dressée que sous la nôtre.
M. Raffarin sait de quoi il parle : « J’étais en Chine, au Canada, il y a quelques jours, je lis la presse étrangère : il n’y a pas un jour sans que la séquestration des patrons, l’insécurité sociale française ne soient mises en avant, y compris par un certain nombre de nos concurrents qui expliquent qu’il n’est pas sain d’aller développer des affaires en France. » Explique-t-il. Posément.

C’est donc énoncé nettement par M. Raffarin : les principales victimes de « l’insécurité sociale française » sont les patrons [^2]. Surtout : c’est à l’aune de ce qu’il a constaté en Chine (populaire) que M. Raffarin juge qu’il est urgent de réprimer l’agacement du prolétariat hexagonal.
Le minuscule détail que le droit social pékinois, fusion réussie du totalitarisme « communiste » et de l’horreur économique, est une franche abomination n’a bien sûr pas échappé à M. Raffarin : M. Raffarin n’est pas si malvoyant qu’il n’ait vu le misérable état des travailleurs chinois – mais leur condition toutefois semble moins le heurter que les séquestrations made in France .
M. Raffarin a des fins de capitaliste conséquent – il veut que rien n’entrave le business franco-chinois, et qu’on use pour cela des moyens nécessaires à la résipiscence du travailleur hexagonal : le gars serait en somme d’une excessive moralité.

[^2]: Que n’organisons-nous impromptu quelque Patronthon, pour leur venir en aide ?

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De bonne humeur

Sébastien Fontenelle est un garçon plein d’entrain, adepte de la nuance et du compromis. Enfin ça, c’est les jours pairs.

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