Courrier des lecteurs 1105

Politis  • 3 juin 2010 abonné·es

Le n° 1103 de Politis est très fourni, bravo ! Et c’est une cerise sur le gâteau que nous offre Éric Hazan dans la digression de dernière page. Ce rapprochement entre le Grand Paris et le petit Israël est très futé, très juste.

Rémi Begouen


Coup de sang ! Comme dirait Chevènement, l’édito de Denis Sieffert du n° 1103 m’a « tourneboulé ». Au  début, je suis bien : les interrogations sur le succès des « benoiseries » à Fatima, puis le rassemblement de ces supporters sur le Vieux-Port, joyeux, certes, mais n’ayant rien d’autre à faire qu’à beugler quelques slogans en boucle, faute de mieux (pourtant, c’est mon équipe préférée…). Puis, tout à coup, le hiatus : les apéros géants de Facebook « ont du charme » , «  traduisent un besoin de social » , donnent même « la dimension du collectif »  ! Enfin, Denis ! […] Qu’est-ce qui réunit ces jeunes, sinon la picole ? Quels liens peuvent se créer quand on ne souvient plus de qui on a croisé ce soir-là ? Personne n’est assez naïf pour croire que ces enfants – qui pourraient être les nôtres – ont tous prévu « la capitaine de route » pour rentrer en voiture. S’il devait n’y avoir qu’un mort (et – hélas – il y en a eu un), ce serait un de trop ! Vont-ils là refaire ce monde si injuste ? Vont-ils au bout de quelques verres trouver l’envie de se syndiquer ?

Certes, ces jeunes reçoivent des adultes un monde plus pourri que celui que ces derniers ont reçu en héritage, mais cela me fait parfois mal de partir en grève et de les voir rester au boulot, misant leur devenir lors des fameux entretiens annuels d’appréciation. Nous n’arrivons plus à communiquer.

Élu d’une commune dont le maire a refusé la tenue d’une telle manifestation, je cautionne son initiative. Par conservatisme, ringardise, intransigeance ? Je pense que non. Mais les jardiniers municipaux qui entretiennent les espaces où, deux fois par an (Fête de la musique et nuit du bac), cette jeunesse se défoule ramassent dès le lendemain matin nombre de contenants délivrant de la « socialité postmoderne ». […]
L’an passé, une patrouille de police vint à passer à proximité. De cette foule […] sont partis toutes sortes de projectiles. Le moment de défoulement passé, chacun a regagné ses pénates. Le lendemain, à l’heure où certains émergeaient la tête pleine de kangourous, les agents du service public ont eu les pires difficultés à ramasser les morceaux de verre sur les pelouses, dangereux pour les enfants. Je pense aussi à ces personnes du milieu associatif qui luttent pour essayer de tirer tous nos jeunes des pièges des addictions, quelles qu’elles soient… Qu’on vénère un type dangereux sur le plan des idées (auprès de qui son prédécesseur ferait presque figure de libertaire !), les dieux du stade si outrageusement surpayés, ou l’alcool, je n’y vois, moi, que des « communautés aux frontières hermétiques ».

Yvan Dupont


Pour m’être penché sur la question avec un peu moins de candeur que ne m’en prête notre lecteur, je crois que cette réalité est plus complexe. Nous y reviendrons.
D. S.

Le sanglant fait divers de Villiers-sur-Marne , au cours duquel une jeune policière municipale est décédée, est un drame aux conséquences incalculables et irréversibles pour les victimes et leurs proches, mais cette tragédie n’en demeure pas moins (heureusement) exceptionnelle (comme l’a dit le sociologue Laurent Mucchielli : ce sont « des métiers à risque, mais (heureusement) de moins en moins meurtriers » ), donc à relativiser (et non à oublier). D’ailleurs, la France n’est pas le Mexique ou l’Afrique du Sud, où la violence est endémique.
En outre, la douleur et l’émotion ne doivent pas cacher une autre réalité : un gardien de police municipale n’est pas un gardien de la paix, mais la confusion demeure en raison de leurs conditions d’emploi dans certaines localités.
Enfin, on peut dénoncer la tentation du gouvernement actuel
– qui supprime des milliers de postes de fonctionnaires de police nationale et de militaires de gendarmerie – de transformer les agents de police municipale en supplétifs, dans une perspective répressive, et de compenser par la même occasion ses insuffisances en la matière, tout en faisant payer l’addition aux collectivités territoriales.

Laurent Opsomer, Hergnies (59)


Après avoir lu l’article de Michel Soudais dans le n° 1103 de Politis, j’ai essayé de faire un récapitulatif des différentes prises de position concernant la « burqa ».
Il y a des personnes – peu nombreuses – qui ne perçoivent pas le voile intégral comme négatif, mais comme un « habit traditionnel », qui pensent que l’on doit permettre aux citoyens de s’habiller comme « ils veulent » et qu’il est honteux de vouloir imposer notre culture occidentale au monde entier (c’est le cas de Sylvie Tissot, qui l’a écrit dans Politis le 17 septembre 2009), […] que vouloir interdire le voile intégral, c’est avoir une « conception xénophobe de la société » , et « que ceux qui veulent une loi d’interdiction seront ravis qu’elle fabrique plus de martyres » (Jean-Pierre Dubois, président de la Ligue des droits de l’homme, dans Politis fin janvier 2010). Ceux-là en appellent à la liberté individuelle, et là surgit l’assemblage de ces deux mots qui me fait frémir : la « liberté de porter la burqa » !

Il y a ensuite des personnes qui, elles, perçoivent négativement ce voile (Arnaud Montebourg parle d’ « accoutrement » ) mais qui ne voteraient pas la loi d’interdiction. Des personnes (de gauche, souvent) qui pensent qu’il y a d’autres problèmes plus graves dans notre pays, et que ce débat est une diversion. Qu’il est ridicule de légiférer pour 350 personnes (2 000 aujourd’hui). Que la loi ne sera pas applicable. Que la droite cherche à prendre des voix au FN (Marie-George Buffet). Et ces personnes sont même prêtes, malgré leur aversion sincère pour ce voile, à refuser de voter l’interdiction pour ne pas « faire le jeu » de la droite. Et tant pis pour les « burqarisées » !

Il y a aussi des personnes qui, comme les précédentes, perçoivent de façon très négative ce voile intégral, pensent sincèrement qu’il porte atteinte à la dignité de la femme, mais craignent une stigmatisation des musulmans et ne voient pas comment on pourra légiférer dans ce domaine (l’interdiction du port d’un vêtement), puisque s’opposer à l’avis du Conseil constitutionnel est une forfaiture (Gisèle Halimi).

Certaines personnes peuvent bien sûr se retrouver dans les deux cas.
Il y a enfin des personnes qui perçoivent très négativement ce voile et qui, par conséquent, voteraient la loi d’interdiction (Jean-Luc Mélenchon) :
presque toute la droite parlementaire, que l’on peut juger opportuniste (mais pas seulement, à mon avis), et le FN (qui défend « l’identité nationale » plus que les femmes). Des laïcs convaincus, des féministes, des personnalités hors du champ politique qui pensent que tout n’est pas forcément digne de respect dans une culture ou une religion (Anne Zélenzky, présidente de la Ligue du droit des femmes, dans un article dans le Monde du 22 décembre 2009). Que la religion musulmane doit être traitée comme les autres religions dans un état laïque, avec ni plus ni moins de droits (Anne-Marie Lizin, professeure à l’Institut des sciences politiques de Paris).

Il faut obligatoirement sortir de Politis pour lire les textes de personnalités favorables à l’interdiction : pas un seul espace proposé, par exemple, à Ni putes, ni soumises, mais une page entière pour Laurent Levy ! Alors que Denis Sieffert nous a pourtant dit que la rédaction de Politis était partagée sur ce voile. Montrez-le donc en donnant enfin la parole à des personnalités favorables à l’interdiction ! […]
Je suis intimement persuadée que le voile intégral est mille fois plus stigmatisant pour les musulmans que l’interdiction en elle-même.

Jocelyne Sautel,
Saint-Sauveur-De-Montagut (07)

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