Un tripatouillage très politique

Le classement des listes repris par les médias a donné une lecture faussée des résultats.

Michel Soudais  • 26 mars 2015 abonné·es

Le tripatouillage était presque parfait. Dimanche soir, en regardant les résultats des départementales à la télé, bien des téléspectateurs ont dû s’interroger sur ces drôles de graphiques qui, sur France 2 et France 3, par exemple, présentaient une colonne rose singulièrement pimpante. L’institut Ipsos-Sopra Steria lui accordait royalement 28,5 % des suffrages, entre une colonne bleue à 36 % et une bleu marine à 24,5 %. Certes, ce score n’était pas attribué au seul PS, les politologues de service précisant qu’ils avaient groupé là également les candidatures PRG et divers gauche. Mais enfin, tout portait à croire que ce bloc désignait les soutiens du gouvernement puisqu’il existait bien, à côté, des colonnes rouges et vertes. Qui restaient scotchées, elles, à 6,3 % et 2 %.

D’où venaient ces scores flatteurs ? Pour l’essentiel d’une décision du ministère de l’Intérieur, qui, dès le dépôt des candidatures, mi-février, avait étiqueté les binômes de candidats selon les intérêts politiques du gouvernement. Dans la classification de la place Beauvau, tout binôme alliant un candidat du PS à un titulaire d’une autre formation de gauche devenait « Union de la gauche », tandis que les binômes composés de titulaires issus d’une des formations du Front de gauche et d’Europe écologie-Les Verts (EELV) étaient étiquetés « divers gauche ». Le PCF avait dénoncé cette volonté de « recomposer la vie politique par voie administrative ». Soutenu dans sa demande par le Pari de gauche et EELV, il avait demandé en vain au ministre Bernard Cazeneuve de revoir son classement. La Place du Colonel-Fabien avait également publié la liste de ses 1 530 candidats. Ni les instituts de sondage ni les rédactions des chaînes ne pouvaient l’ignorer. Pourtant, dimanche soir, c’est bien la lecture du ministère de l’Intérieur que France 2 et France 3 ont présentée. Cela a permis à Manuel Valls, intervenu dès 20 h 07, de faire croire que le PS réalisait un « score honorable », celui-ci valant quitus pour sa politique.

La publication, bien des heures après, des résultats réels a dûment nuancé cette impression médiatique. Non seulement le score attribué au PS était « bidon », comme l’annonçait dès 20 heures Jean-Luc Mélenchon sur Twitter, mais les résultats du Front de gauche et d’EELV ne sont nullement en recul, bien au contraire. Les candidatures soutenues par le Front de gauche «  réalisent un score de 9,4 % au niveau national », affirmait lundi midi le PCF, soulignant que celui-ci marque une progression «  par rapport aux élections départementales de 2008 et 2011 ». De son côté, David Cormand, secrétaire national aux élections d’EELV, indiquait que les 377 candidatures autonomes soutenues par son parti avaient enregistré « un score moyen de 9,7 % », ce qui les « situe dans un étiage comparable, voire supérieur, aux dernières élections européennes » (8,95 %). Le tripatouillage du ministère a surtout occulté le score des « 450 candidatures de rassemblement écologistes et citoyennes en alliance avec au moins une composante du Front de gauche ». Avec un score moyen de 13,6 %, elles cadrent mal avec l’affirmation des socialistes selon laquelle le scrutin aurait encore montré qu’il n’y a pas d’alternative à gauche.

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