« Eva n’est pas morte » : Passion immortelle

Pablo Agüero nous emmène dans les années sombres de l’Argentine, à travers le corps sans vie de la pasionaria populaire Eva Perón.

Célia Coudret  • 7 avril 2016
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« Eva n’est pas morte » : Passion immortelle
© Eva n’est pas morte (Eva no duerme), Pablo Agüero, 1h27. Photo. Pyramide Films.

S’il y a une femme engagée qui a marqué l’histoire de l’Argentine, c’est bien elle. Eva Perón, aussi appelée Evita, a déclenché la passion de son vivant, et encore longtemps après sa mort, survenue à l’âge de 33 ans. « Catin », c’est le premier mot du film pour qualifier la pasionaria du peuple, des descamisados (les sans-chemises). Un terme employé par le dictateur Massera, qui l’a fait enterrer sous six mètres de béton 25 ans plus tard « pour s’en débarrasser pour de bon ». Finalement, il a participé à la rendre immortelle.

Fantôme des idéaux démocratique du pays, Evita hante les protagonistes. Son esprit plane dans chacun des trois huis clos qui structurent le film. Le décor, minimaliste, laisse place à l’imaginaire. Il n’y a plus ni jour ni nuit, le temps est suspendu. L’extérieur n’existe que par le son de la radio.

Loin du film militant ou purement historique, Eva ne dort pas est un anti-biopic raconté du point de vue des hommes qui côtoient sa dépouille : son embaumeur Dr Pedro Ara (Imanol Arias) ; le colonel Koenig (Denis Lavant) qui transporte son corps pour le cacher au Vatican, et le dictateur (Gael García Bernal). Le portrait d’Evita est ainsi brossé par ses adversaires, représentants du pouvoir conservateur et masculin. L’histoire d’une femme « trop » politisée, adulée par les foules lui vouant un véritable culte, détestée par ceux qu’elle nommait « les oligarques ».

Les plans séquences s’enchainent, entrecoupés par des images d’archives entre foules en délire et combats urbains. Des bandes d’actualités qui illustrent le bouillonnement d’espérances qu’Eva Perón a pu créer. Provoquant l’adulation des foules de son vivant, cette femme continue de susciter la passion après son décès. Au chevet de son corps, on se jette sur elle comme pour l’embrasser. Impossible de croire qu’elle ait disparu, tant elle reste omniprésente. Même morte, une aura presque mystique émane d’elle.

L’esthétique du film jouant sur le clair-obscur, son corps embaumé d’un blanc pur apparaît telle une vision onirique. Et, comme son âme, sa voix plane entre rêve et réalité. L’histoire sans fin d’Eva Perón, que celle-ci ait déclenché la haine ou l’amour fou, était faite pour le cinéma.

Cinéma
Temps de lecture : 2 minutes
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