Courrier des lecteurs Politis 981

Politis  • 20 décembre 2007 abonné·es

Militant assassiné

Je lis Politis depuis son premier numéro, je soutiens le journal du mieux que je peux et lis par petits bouts les articles comme une friandise.

Ce n’est pas une critique que je m’apprête à formuler, mais plutôt un étonnement. En page 28 du n° 977 de Politis , Gilles Costaz nous commente la pièce Gênes 01 , sur la répression des manifestations au G8 en 2001, sans jamais citer le nom du jeune manifestant assassiné. Je ne me souviens plus de son nom et pense ne pas être la seule dans ce cas. Dommage. Bien sûr, je peux chercher sur Internet !

Mireille Brénier

Ce jeune militant s’appelait Carlo Giuliani.

En Belgique

Il est piquant de constater à quelques pages d’intervalle le contraste entre l’acuité de vos analyses sur le Proche-Orient, telle que celle produite dans le n° 977 de Politis sur le Liban, et la vacuité de celle sur la situation politique en Belgique. La brève de la page des « Échos » comprend en effet approximations, anachronisme et… bien peu d’infos.

Prétendre qu’une manifestation qui, au passage, a rassemblé 35 000 personnes à Bruxelles « n’a pas fait recette » est un peu court. Certes, c’est nettement moins que les 300 000 de la « marche blanche » en 1996, mais c’est plus ­ on pourrait d’ailleurs le déplorer ­ que les 25 000 pour les licenciements de Volkswagen-Forest en 2006, la plus grosse manif de cette année-là. Il faudrait peut-être préciser qu’elle rassemblait une nette majorité de francophones, alors que ceux-ci ne représentent que 40 % de la population, et c’est ce point qui est décevant, plus que le nombre absolu de manifestants. Ensuite, prétendre que la population néerlandophone est en rébellion contre les élites francophones, de grâce, nous ne sommes plus à Louvain en 1968 ! Comme Jean-Yves Huwaert le rappelle dans le Monde diplo de ce mois, le PIB de la Flandre a doublé celui de la Wallonie en 1967, son taux de chômage dépasse à peine les 5 %, alors qu’il frôle le triple en Wallonie et le quadruple à Bruxelles. Par ailleurs, cela fait plus de vingt-cinq ans qu’il n’y a plus eu de Premier ministre francophone en Belgique. En termes de « réalité sociale », nous sommes donc dans la situation inverse de celle que laisse entendre votre proposition, avec en outre une Belgique francophone qui vote plutôt au centre gauche, même si le PS s’est pris une claque (il est tout de même toujours à plus de 30 %), et une Belgique néerlandophone qui vote nettement à droite, avec un parti nationaliste flamand, la NVA, faisant partie d’un cartel avec les démocrates-chrétiens, appelant par exemple à la scission de la sécurité sociale et à la régionalisation de l’emploi et de la fiscalité. Lors d’une conférence donnée en septembre 2006 à l’université d’été d’Attac Bruxelles, Albert Jacquart déclarait d’ailleurs que le jour où il n’y aurait plus de sécurité sociale commune, il n’y aurait plus de Belgique. Il y aurait encore beaucoup à dire sur les exigences flamandes de modifications institutionnelles, sur la question de la scission de l’arrondissement électoral de Bruxelles-Hal-Vilvorde, sur l’élargissement de la région de Bruxelles-capitale… Pour un prochain article, sans aucun doute !

Frédéric Supiot, Français vivant en Belgique depuis 1985 et à Bruxelles depuis 1994.

Précisions

Formatrice en FLE [français langue étrangère] et membre de « FLE attaque », je me permets d’apporter quelques précisions à l’article de Xavier Frison paru dans le n° 979 de Politis et intitulé « Louche intégration », qui traitait d’un diplôme de français destiné aux migrants mis en place par la préfecture du Rhône.

Celle-ci propose une formation de 38 heures à des personnes qui se portent volontaires, sans aucune expérience, pour former les migrants au Dilf (diplôme initial de langue française).

Le préfet du Rhône, Jacques Guérault, offre de substituer cette formation au diplôme de l’Éducation nationale qui valide un niveau minimum pour enseigner le FLE, soit une maîtrise en FLE et l’expérience de deux stages. Ce prérequis reste, à raison, exigé de tout autre enseignant du public comme du privé. Il est même devenu essentiel aux organismes de formation et aux associations dans la lutte concurrentielle pour répondre aux appels d’offre des formations pour adultes en français.

Seulement, pour cet ancien directeur de cabinet de Nicolas Sarkozy, les profs diplômés coûtent trop cher, d’autant qu’il s’agit de former la partie la moins considérée de la population : les personnes pauvres ou peu scolarisés et immigrées.

Ce qui me choque également, dans ce plan, c’est que ces « formateurs volontaires », puisqu’ils sont retraités ou salariés « désireux de se lever tôt » pour arrondir leurs fins de mois, vident nos missions de leurs statuts professionnels. À l’issue de leurs vacations, ces volontaires n’auront pas besoin de faire valoir leurs droits et ne s’inscriront pas aux Assedic. Nos conditions de travail sont déjà très précaires, et l’on vient d’inventer la possibilité d’embaucher un personnel qui ne revendiquera même plus de protection sociale, acquis de tous les salariés…

Que le privé ait du mal à valoriser nos salaires en reconnaissant l’utilité de nos fonctions et les compétences nécessaires, c’est déjà un gros problème, mais qu’un préfet ne s’interroge pas plus sur l’intérêt sociétal émanant de ce secteur, c’est carrément la décadence. Alors qu’on est censé rebattre les oreilles de nos apprenants avec la citoyenneté, la démocratie et autres égalités des chances…

Catherine Bordet

Démographie et religion

Ce que dit Emmanuel Todd de la démographie, dans le n° 979 de Politis , semble intéressant ; la façon dont il le lie à « la sortie de la croyance » l’est beaucoup moins.

« Ce que montre l’histoire, c’est que l’aboutissement, pour tout le monde, c’est finalement la sortie de la croyance. » Cela coupe les pieds à l’argument qu’il essaie de développer, à savoir que la religion n’empêche pas une certaine évolution de la société, par exemple la baisse du taux de la fécondité.

À moins qu’il ne veuille dire que plus la religion décline, plus la fécondité baisse : « Dans tous les pays qui ont un indicateur de fécondité inférieur à 3, il a fallu pour en arriver là un effondrement de la pratique religieuse. » Sans être marxiste, ne serait-ce pas plutôt un certain développement matériel qui aurait entraîné un certain triomphe (dont nul ne peut dire qu’il signe la fin de l’histoire humaine) du matérialisme ?

Ces sociétés (musulmanes) sont, actuellement, beaucoup plus religieuses que les nôtres. Pourtant, certains paramètres, comme le taux de fécondité, indiquent qu’elles évoluent comme les nôtres. Vouloir en tirer plus de conclusions relativement au « déclin de la religion » ou à l’« occidentalisation » de l’islam me semble bien hasardeux. Et surtout peu respectueux du fait religieux ou de la différence culturelle, qui ne sauraient se réduire à de simples paramètres économiques ou démographiques.

Marie Charles-Dominique, Pantin (93)

Le débat dans l’UJFP

À la suite de l’entretien avec Michèle Sibony et Houria Ackermann, présidentes de l’Union juive française pour la paix, nous avons reçu de Jacques Jedwab (Marseille) la lettre suivante, signée par vingt-trois adhérents de cette association.

Nous prenons la responsabilité de réagir publiquement aux propos tenus dans Politis n° 975 par Michèle Sibony et Houria Ackermann, récemment élues présidentes de l’Union juive française pour la paix, dont nous sommes adhérents. Ces propos déforment la nature et les objectifs de notre association qui ­ porteuse d’une voix juive ­ s’est donné pour tâche de soutenir le peuple palestinien dans le combat qu’il mène pour ses droits nationaux et civils tels que les résolutions de l’ONU et les conventions internationales les définissent.

Certaines de ces affirmations (une « minorité » d’adhérents refuserait de condamner l’islamophobie) peuvent laisser croire que notre association est divisée en deux fractions politiques, dont la ligne de partage serait l’Islam et la question de l’islamophobie. Notre réalité est tout autre. La charte de notre association, à laquelle tout membre souscrit, condamne toute forme de racisme, de discrimination et d’oppression. Le rapport moral de notre président sortant, voté à une large majorité lors du dernier congrès, le dit clairement : richesse plurielle et diversité des sensibilités font notre force. D’autre part, la motion sur la guerre contre l’Iran, votée à l’unanimité, est dévoyée de sa signification. On lit dans l’entretien que « la nécessité de dénoncer le régime iranien pour pouvoir dénoncer la guerre qui s’annonce relève justement de la propagande de guerre » . Personne ne peut dire que telle est la position de l’UJFP. Soutenir le peuple iranien ne revient pas à donner quitus à un régime totalitaire, liberticide, ennemi des femmes et négationniste.

Par ailleurs, les considérations avancées à propos de l’élection de deux « juives arabes » comme expression d’un voeu majoritaire sont très loin des préoccupations et des choix de l’UJFP, qui ne s’est jamais appuyée sur l’origine ni l’appartenance de ses membres (qu’ils soient séfarades ou ashkénazes, juifs ou non-juifs).

De fait, tous ces propos provoquent des clivages au sein de notre association, quand le rôle de dirigeants est de rassembler et non de diviser. Deux membres de l’UJFP, fortes de leurs nouveaux titre et fonction, se sont exprimées dans vos colonnes davantage en chefs de tendance qu’en représentantes de tous les membres de l’association, prenant ainsi la lourde responsabilité de risquer de désunir et de déstabiliser l’UJFP.

Cela ne peut que satisfaire nos détracteurs. Et contrevient à l’ouverture nécessaire de notre association à nombre de personnes souhaitant porter une parole juive de solidarité avec le peuple palestinien, dans sa lutte pour une paix fondée sur la justice.

Offensive créationniste

Dans le courrier des lecteurs du n° 976, je me suis demandé si vous n’aviez pas affaire à une petite offensive des créationnistes. Quelques mises au point s’imposent. Le grand public tend généralement à opposer théorie et pratique. Ne dit-on pas « en théorie… mais en pratique… », sous-entendant ainsi que les théories ne sont que de gentilles divagations. Je voudrais donc insister sur le fait qu’une théorie digne de ce nom doit être « explicative » ET « prédictive ». Ceci implique qu’une théorie doit expliquer des faits, mais aussi en prédire de nouveaux. Prenons l’exemple de la théorie de la relativité : elle explique le mouvement « bizarre » de la planète Mercure, mais elle prédit, entre autres, qu’un rayon lumineux est courbé au voisinage de corps massifs et que le temps se contracte avec la vitesse. Ce dernier point a été montré grâce à des horloges atomiques, instruments que ne possédaient pas les Sumériens ! La grande réussite de Darwin est d’avoir expliqué l’origine des espèces sur des observations scientifiques et d’avoir implicitement prédit l’existence des gènes. Ces derniers n’étaient pas connus des Sumériens. Une théorie est souvent incomplète et des améliorations sont en général apportées. Par exemple, la théorie de Newton est contenue dans la théorie de la relativité, qui est donc plus complète. Il en est de même pour le darwinisme sans que celui-ci soit dit faux. En revanche, la théorie des créationnistes, dont le credo majeur est fondé sur la coexistence de l’homme et des dinosaures, n’a pour l’instant reçu AUCUNE preuve sérieuse. Si notre lecteur s’était attaché à lire des revues sérieuses (mais a-t-il jamais vu ces fameuses tablettes sumériennes ?), il aurait réalisé qu’on ne parle pas de chaînon manquant, mais d’ancêtre commun , ce qui est très différent. Enfin, je voudrais terminer en précisant qu’il n’y a pas de « science officielle », sous-entendant que les scientifiques, êtres à part, cacheraient des choses au reste de l’humanité. Au risque de décevoir, les scientifiques sont comme tous les humains : bourrés de défauts. Si l’on peut montrer que la théorie du copain est fausse et que la sienne est juste, on a gagné (le prix Nobel, parfois). La science s’accommode très mal des croyances (Galilée), idéologies (Lysenko), etc. Il n’y a pas une science de droite et une de gauche, une catholique, protestante, musulmane…

J. M. Guenet, directeur de recherche
au CNRS, Strasbourg

**Philippe Val et *Politis

Cavanna, Cabu, Siné, Oncle Bernard, Charb, Fischetti, Pelloux… au secours ! Philippe Val est en train de couler Charlie Hebdo ! Lecteur depuis le numéro 1 d’ Hara Kiri Hebdo (hé oui, ça existe), j’avais déjà été atterré par la dérive droitière de Val lors du référendum sur le projet de constitution européenne, puisque, comme tous les « bons journalistes », il confondait (volontairement ou naïvement ?) le refus (normal) d’un traité de droite avec le refus de l’Europe. Puis, écoeuré par le soutien sans faille à un état voyou, Israël, dont l’unique but est l’extermination de tous les Palestiniens… Mais là, il franchit un nouveau pas. De sioniste de droite, il passe à l’extrême droite dans son dernier édito sur Chavez et Ramonet. Je ne reprendrai pas l’argumentaire, il est très bien développé sur le blog de Bernard Langlois de Politis , hebdo que je lis comme Charlie depuis le numéro 1, et que Val devrait lire régulièrement et attentivement ; et dont il aurait beaucoup à apprendre s’il veut encore oser se prétendre de gauche…

Jean-Luc Tripon, Guérande (Loire-Atlantique)

Otages ?

Quand je pense aux malheurs des pauvres z’usagers qui souffrent mille morts pendant les grèves de ces salauds de cheminots et qui font pleurer le tendre Jean-Pierre Pernault, alors qu’Ingrid Bétancourt coule des vacances de rêve en Colombie depuis plus de cinq ans, je me dis que les dictionnaires devraient revoir sérieusement leur définition du mot « otage ». Qu’est-ce qu’ils foutent, les académiciens français ?

Charles Cadeau, Quimper (Finistère)

Courrier des lecteurs
Temps de lecture : 12 minutes