Courrier des lecteurs Politis 984

Politis  • 10 janvier 2008 abonné·es

Le chanoine impudique

Bouffon Imperator [alias Nicolas Sarkozy, voir le texte d’Alain Brossat dans Politis n° 983] est devenu aujourd’hui, selon le Robert, « dignitaire ecclésiastique, membre du chapitre d’une église cathédrale, collégiale, ou de certaines basiliques » . Est-il « chanoine titulaire, prébendé (oh !) ou simplement honoraire » ? La prébende, précisons-le, est un « revenu fixe accordé à un ecclésiastique (dignitaire d’une cathédrale ou chanoine) », précise encore le dictionnaire ; bref, c’est un moyen de gagner plus en travaillant plus (un peu)…

Mais soyons sérieux. Par où qu’on l’aborde, ce saint Nicolas, quasi-évêque, est un catholique qui ne saurait être en odeur de sainteté. Qu’il puisse à la fois vivre ce qu’il vit et se faire le défenseur des valeurs chrétiennes a de quoi surprendre ! Un catholique intégriste, ou simplement traditionaliste, s’offusquera que ce double divorcé s’affiche à Rome, auprès du Pape, juste après s’être choisi une nouvelle et médiatique maîtresse. Un catholique pratiquant comprendra mal que ce qui est interdit aux humbles soit accordé aux grands par Benoît XVI, pourtant si attentif à la protection de la doctrine (la politique aurait-elle ses quartiers réservés dans l’univers pontifical ?). Un catholique simplement exigeant, pour qui l’accueil de l’étranger, le refus de l’argent roi, le partage et l’hospitalité font partie du message évangélique, aura quelque peine à accepter la mise en scène télévisuelle de cette rencontre ambiguë.

Le citoyen français, chrétien ou pas, se trouve, lui, une nouvelle fois enfermé dans une contradiction : le président de la République a des droits et s’en sert, mais il en abuse avec une constante effronterie et il montre au monde entier qu’il se moque totalement des conventions ou des habitudes qui accompagnaient jusqu’à présent l’exercice du pouvoir. Nicolas Sarkozy, en quelques mois, a réussi à incarner, seul, ce pouvoir qu’il délègue, reprend ou distribue à son gré. Il est le Maître. Il est le Chef. Il est l’Imperator, le Conducator, le Caudillo et le Leader Maximo tout à la fois. […] Il est le Prince. Et par-dessus tout, le Chanoine.

Trop, c’est trop. Et le culot d’enfer de ce personnage d’opérette atteint ses limites. Il est l’impudeur même.

À quand la photo, dans Paris Match , de Nicolas Sarkozy à l’Élysée, cigare à la bouche et Carla Bruni sur les genoux, entouré de ses ministres, une coupe de champagne à la main, fêtant l’année nouvelle en présence du cardinal de Paris ou du primat des Gaules venus dire la gratitude des catholiques pour la réinstallation de la fille aînée de l’Église au premier rang de la cour européenne ?

Jean-Pierre Dacheux

Pauvre pêcheur…

Il était une fois un pêcheur prénommé Nicolas. Après que le père eut abandonné sa famille, celle-ci connut des jours difficiles. Le petit Nicolas se promit que, dorénavant, il serait toujours du bon côté (celui des riches). Son voeu, peu à peu, devint réalité. Il commençait à pêcher de plus en plus gros poissons. La mer était belle. Tout baignait. Devenu adulte, il se maria. Son épouse était jolie, à un seul détail près, elle avait, hélas, les yeux plus gros que le ventre. Elle décida que Nicolas devait lui trouver une plus belle maison. Nicolas avait entendu parler d’eaux où nageaient de plus gros poissons. Sur la côte, il alla s’installer avec son épouse dans un manoir nommé Neuilly. L’épouse était satisfaite et n’ouvrait plus son bec.

Mais un jour, lors du mariage d’un martin-pêcheur, Nicolas rencontra une femme tellement belle qu’il la maria et ensuite l’épousa. Hélas, deux fois hélas, sa nouvelle épouse était encore plus vorace que la première, elle voulait habiter dans un hôtel privé. Nicolas était bien ennuyé, il retourna pêcher. La mer faisait grise mine. Un pétrolier échoué, sans doute. Mais la chance était avec Nicolas car il pêcha un poisson magique. Il s’appelait République et pouvait exaucer des voeux. Il lui accorda une résidence digne d’un ministre.

Des années plus tard, Nicolas rencontra une princesse bronzée par le soleil des médias. Il ne put s’empêcher de la demander en mariage. Hélas, trois fois cette fois, car la brunette voulait habiter dans un palais digne d’une royale présidente. Nicolas retourna pêcher dans des eaux de plus en plus troublées, dont la couleur violette était due à la pollution, et le déchaînement au déséquilibre climatique. Mais, bol, il repêcha le poisson République et magique qui, derechef, exauça son voeu. Ainsi la brunie vécut au palais élyséen.

Mais un jour, sur son chemin, Nicolas rencontra la Grisette, une fille du peuple. Le petit Nicolas tomba amoureux d’elle, il se dit à lui-même : « Fini, les lampions, voici la réalité de ma vie ! Cette femme ne me demandera pas la lune ! » Mais elle lui asséna : « Arrête d’utiliser les femmes, tu te prends pour Dieu ou quoi ? » Hélas (quatre ou cinq fois), Nicolas ne comprit pas, il crût qu’elle voulait une habitation de déesse. « Toutes les mêmes » , se dit-il dans son intérieur fort. Il retourna voir le poisson. La tempête faisait sa rage dedans. Elle manifestait partout. Ses os étaient noirs. Le climat était complètement déglingué. République lui dit : « Ah ! mon coco, t’as trop de culot ! » Quand le pêcheur revint à la maison…

Pierre Séraphin, Helsink

Sarkozy = Mussolini ?

Dans une séduisante mise en page, Politis a cru pouvoir associer des photos de Nicolas Sarkozy à celle de Benito Mussolini [voir le texte d’Alain Brossat, Bouffon Imperator , dans Politis n° 983]. Le phénomène incarné par l’actuel président de la République est suffisamment complexe pour ne pas hasarder qu’il puisse relever du fascisme, même s’il pourrait, objectivement, le préparer. C’est non seulement se tromper d’adversaire mais risquer de décourager des lecteurs dont la résignation au « possible » a pu provisoirement l’emporter sur un « souhaitable » semblant à jamais hors de portée.

Robert Allezaud, Paris Ve

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