Les ravages de la PAC

Dans un ouvrage collectif, Attac plaide pour le droit à la souveraineté alimentaire.

Denis Sieffert  • 27 août 2009 abonné·es

Àl’heure de la mondialisation, une mauvaise politique agricole européenne a des effets dominos sur toute la planète. Elle peut provoquer le chômage de nos agriculteurs, ruiner et affamer les pays du Sud, engendrer des problèmes de « malbouffe » et de santé dans les pays riches, attaquer la biodiversité de la faune et de la flore. C’est exactement le résultat de l’actuelle politique agricole commune (PAC), en particulier depuis les virages néolibéraux de 1992 et 1994.
Le bilan de ces années, dressé dans un petit ouvrage collectif publié par Attac et coordonné par Gérard Choplin, Alexandra Strickner et Aurélie Trouvé, est à cet égard accablant. Plus grave encore : les perspectives à l’horizon 2013, année qui marque en principe la fin de la PAC. Car ce n’est évidemment pas le principe d’une politique commune qui est dénoncé ici, mais sa méthode. Les auteurs rappellent d’abord les enjeux de ce débat qui n’est jamais posé clairement par nos « politiques ». Un milliard d’êtres humains connaissent aujourd’hui la faim, soit un habitant sur six de notre planète, dont 40 millions en Europe même.

Alors que tous les scientifiques s’accordent à dire que les ressources existent pour nourrir toute la planète, c’est évidemment le modèle occidental qui est en question. S’il fallait le résumer, on pourrait dire qu’il tend quasi exclusivement à favoriser l’industrie agroalimentaire aux mains des pays du Nord. Ce qui se traduit par une concentration des aides en direction de la grosse production céréalière et de produits destinés à la nourriture animale. Cette concentration a abouti en France à une diminution du ­nombre des agriculteurs de 30 % de la population active à 3 % en cinquante ans. Pour les rescapés de cette hécatombe – en majorité, les grosses exploitations –, les revenus ont augmenté spectaculairement, surtout en raison des aides directes de l’Union européenne, très inégalement réparties. Le système encourage évidemment le recours à des produits phytosanitaires qui attaquent la faune et la flore. Les effets sur la santé dans nos régions sont également désastreux. Les produits industriels transformés qui sortent au final de cette lourde machine économique invitent à la surconsommation de viande, de sucre et de graisse. Un États-Unien consomme aujourd’hui en moyenne 124 kg de viande par an, contre 89 pour un Européen de l’Union européenne, et 5,5 kg pour un habitant d’un pays du Sud. Risque d’obésité d’un côté, famine de l’autre.

Cela aux dépens des fruits et légumes, dont la production est peu et mal aidée. Enfin, l’aide massive aux céréales a permis aux Européens et aux États-Unis de pratiquer un dumping meurtrier pour les pays du Sud. Le livre d’Attac fourmille de données. Il démontre de façon accablante la perversité de la PAC actuelle. Mais les auteurs, agronomes, économistes, animateurs du mouvement paysan mondial Via Campesina, n’en restent pas au constat. Ils proposent des alternatives au système d’aides actuel. Selon eux, celles-ci devraient notamment favoriser la « valorisation des producteurs d’aliments » , et être tendues vers l’objectif de nourrir, et bien nourrir, les populations. Ce qui passe par « l’établissement de systèmes locaux de production » , et « un renforcement du contrôle local » . Un petit livre indispensable pour qui veut prendre la mesure de ce débat qui est aussi un combat.

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