Bellegueule, best-seller (À flux détendu)

En finir avec Eddy Bellegueule (Seuil), le premier roman d’Édouard Louis, 21 ans, se place parmi les meilleures ventes.

Christophe Kantcheff  • 13 mars 2014 abonné·es

Dans la presse, on appelle cela un « phénomène ». En finir avec Eddy Bellegueule (Seuil), le premier roman d’Édouard Louis, 21 ans, se place parmi les meilleures ventes. Édouard Louis y raconte sa jeunesse, quand il s’appelait encore Eddy Bellegueule, enfant d’une famille pauvre, violente, vivant dans un village déshérité de Picardie, Hallencourt. Les coups, les injures, parmi lesquelles « sale pédé » revenait comme une ritournelle, y composaient son quotidien. Le succès public du livre a déclenché un appel d’air médiatique.

Parmi de nombreux articles, celui de David Caviglioli, dans le Nouvel Observateur du 6 mars. Le journaliste s’est rendu à Hallencourt pour vérifier les dires de l’auteur et opposer au roman la version des faits selon sa famille. À sa parution, Édouard Louis a dénoncé de nombreuses erreurs factuelles et ce que l’article comporte « de haine diffuse » à l’encontre « du transfuge de classe, toujours suspect, et dont on recherche les secrets de l’ascension ». Réaliser une contre-enquête « sur le terrain » ayant servi de substrat à une œuvre pour laisser planer le doute sur l’honnêteté de son auteur renseigne sur la déchéance du journalisme littéraire.

Il y avait pourtant matière à discuter ce livre, et notamment son parti pris esthétique. Édouard Louis a-t-il eu raison d’opter pour le roman ? Pas sûr, quand l’une de ses références littéraires, Annie Ernaux, a pu écrire, parlant de son propre travail : «  Je sais que le roman est impossible. » Édouard Louis dit avoir voulu « faire du littéraire avec du non-littéraire ». Une déclaration volontariste, et assez naïve, de la part d’un débutant, auteur d’un texte dont le sujet est dix fois plus fort que son écriture. Si devenir lui-même, et pouvoir l’affirmer, a été au cœur de son combat existentiel, Édouard Louis doit encore cheminer pour trouver sa voix d’écrivain.

Culture
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