La gauche critique entre désarroi et volontarisme

Les représentants de la gauche de la gauche s’accordent sur la nécessité de se rassembler. Mais se déchirent toujours sur la stratégie à adopter.

Pauline Graulle  • 24 juillet 2014 abonné·es
La gauche critique entre désarroi et volontarisme
© Photo : AFP PHOTO / PIERRE ANDRIEU

Que retenir de la série d’interviews réalisées pendant un mois par Politis sur l’état de la gauche française [^2] ? D’abord – on ne sait si c’est réconfortant ou désespérant –, que les représentants de la gauche critique dressent un diagnostic identique. Des frondeurs socialistes à Ensemble !, tous déplorent l’échec de la politique gouvernementale. Et s’inquiètent : après avoir été à ce point malmenée par un gouvernement converti à un libéralisme débarrassé des oripeaux du social, la gauche de Jaurès survivra-t-elle à François Hollande ? « Le danger d’une marginalisation durable de toute perspective de gauche dans notre pays est réel », estime Olivier Dartigolles, porte-parole du PCF. Même son de cloche chez Myriam Martin (lire ci-contre), qui redoute un scénario à l’italienne. Le socialiste Guillaume Balas dénonce, lui, le « blairisme honteux » du pouvoir, et affirme la nécessité de revenir… au programme présidentiel de 2012 – ce qui serait en effet un bon début ! Dans ce « moment de pourrissement politique et social,  […]  la République est en danger », s’alarme Pierre Larrouturou, fondateur de Nouvelle Donne. D’où l’urgence de « retrouver un imaginaire que François Hollande et Manuel Valls ont enlevé à la gauche », martèle Olivier Dartigolles, qui, à l’instar du Parti de gauche de Martine Billard, veut « recréer l’espoir » .

Plus que jamais se pose donc la question d’alliances nouvelles entre toutes ces gauches, aujourd’hui divisées, mais qui partagent la même envie d’en finir avec le « hollandisme ». Mais, si les trois composantes (Front de gauche, Nouvelle Donne et l’aile gauche du PS) entendent se rassembler pour renouer avec les valeurs historiques de la gauche et faire alliance avec les écologistes, personne n’est d’accord sur la stratégie à adopter. Cette nouvelle force aurait-elle pour objectif premier d’infléchir les trois dernières années du quinquennat ? Ou de constituer une véritable opposition à la mue démocrate du Parti socialiste ? Et où situer le centre de gravité de cette force ? Autour d’un PS « canal historique » ? D’un Front de gauche affaibli par son absence de dynamique électorale ? D’une nouvelle formation ? Évidemment, chacun voit midi à sa porte. Jugeant le PS « mort », Pierre Larrouturou espère, avec Nouvelle Donne, initier une « façon différente » de faire de la politique. Un rassemblement avec les frondeurs socialistes n’est pas exclu pour Martine Billard et Myriam Martin. Encore faut-il qu’ils accordent leurs votes avec leurs idées. Il faut « discuter avec tous ceux qui sont critiques avec le gouvernement, y compris les frondeurs du PS, tout en étant très clairs sur le fond », juge la coprésidente du Parti de gauche. Et sa consœur d’Ensemble ! de les inviter à radicaliser leur action.

Sans surprise, et tout frondeur qu’il soit, Guillaume Balas ne l’entend pas tout à fait de cette oreille. S’il confirme que, sans un vrai débat de fond, « l’unité du PS est en péril », pas question pour autant de suivre la stratégie autonomiste du Front de gauche, jusque-là « un échec absolu ». Estimant qu’il est encore temps de créer le rapport de force, « non pour détruire Hollande et Valls, mais pour réorienter la politique du gouvernement », l’animateur d’Un monde d’avance multiplie donc les appels du pied en direction des Verts et des communistes. Et Jean-Luc Mélenchon dans tout ça ? Inapte au dialogue, juge le socialiste, qui imagine sans peine une union de la gauche sans le Parti de gauche… Ce qui reviendrait ni plus ni moins à casser le Front de gauche. La balle est désormais dans le camp du PCF. Qui hésite. Olivier Dartigolles a beau estimer que « le Front de gauche peut faire dérailler [le] scénario » d’une candidature Hollande en 2017, il explique aussi que « la question n’est pas d’être la meilleure opposition de gauche, mais d’agir pour des majorités et la mise en œuvre d’une autre politique ». Un flou qui rappelle les ambiguïtés du parti aux municipales. « Nous ne repartirons pas dans le même cirque  […]. Il faut que [le PCF] fasse clairement un choix entre une totale autonomie et l’association avec le PS pour avoir des élus », avertit Martine Billard. Dès lors, Guillaume Balas a beau affirmer que « le débat n’est plus d’être à l’intérieur ou à l’extérieur », pas de rassemblement possible si la question n’est pas tranchée.

[^2]: Dans les numéros 1309 à 1312.

Politique
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