Tribune : Contre l’austérité et le… coût du capital

Des syndicalistes, associatifs et politiques appellent à la manifestation du 15 novembre contre les orientations budgétaires du gouvernement.

Politis  • 13 novembre 2014
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Tribune : Contre l’austérité  et le… coût du capital
© Simon Battensby/Image Source/AFP

À entendre François Hollande et Manuel Valls, leur politique n’est pas d’austérité… Certes, cela pourrait être pire encore. S’il appliquait à la lettre la règle d’or brandie par la Commission européenne, le gouvernement Valls devrait ajouter 28 milliards de baisse aux 21 milliards déjà rabotés pour 2015. Soit – 9,6 milliards pour la Sécurité sociale, – 7,7 milliards pour l’État et – 3,6 milliards pour les collectivités locales. Le suicide économique pourrait donc être deux fois plus rapide si on suivait les docteurs Diafoirus de Bruxelles. Auxquels, au passage, François Hollande a donné ce droit de contrôler notre budget en signant le TSCG, reniement inaugural de ses promesses de campagne. Mais la ponction de 50 milliards prévue pour les trois années à venir suffira à casser le moteur de l’économie. Pourquoi ? Parce que les politiques d’austérité budgétaire et salariale mises en œuvre entraînent toujours plus d’austérité. Il faut être un libéral, comme Michel Sapin, pour s’étonner que la croissance se révèle plus faible que prévue. En abandonnant la perspective de baisse du chômage pour les prochains mois, François Rebsamen a d’ailleurs confirmé l’échec de cette politique. Et ce n’est pas mieux en ce qui concerne les déficits, au nom de la baisse desquels cette politique est pourtant imposée. Or, le pire arrive. Cette fois la loi de programmation budgétaire pour les prochaines années s’attaque pour de bon aux dépenses publiques. Car si, depuis 2011, la politique restrictive a « coûté » 3,5 points de PIB et a réduit la croissance de 4,5 %, supprimant 600 000 emplois, c’est surtout par la hausse des impôts [^2]. L’augmentation de la dépense publique a certes fléchi, mais c’est quand même elle qui a permis au PIB d’augmenter sur les trois dernières années, la demande du privé étant dramatiquement orientée à la baisse. Il est plus que temps de rappeler que les dépenses publiques… rapportent au pays. C’est ce dernier moteur que le gouvernement veut désormais étouffer. Avec des conséquences catastrophiques dans tous les secteurs.

Pour les services de l’État : avec la suppression de milliers de postes dans tous les services, à l’exception de l’éducation nationale, de la sécurité et de la justice ; une baisse des moyens pour des services en théorie prioritaires : écologie (- 6 %) ; travail et emploi (baisse cumulée de 14 % par rapport à 2014) ; la stagnation des dépenses de fonctionnement ou d’intervention obligeant à réduire l’action publique dans la culture, le sport, etc. La baisse de l’investissement public, estimée à 4,4 % en volume pour 2015, va anéantir toute relance dans des secteurs essentiels comme celui, sinistré, du logement. Pour les collectivités locales, une nouvelle diminution des dotations de 3,7 milliards par an, soit 11 milliards d’ici à 2017, se traduira par un affaissement accru de leurs investissements. Sans compter la baisse des budgets alloués aux associations, largement mises à contribution pour assurer des missions normalement dévolues à la puissance publique. Côté santé, le gouvernement compte économiser 20 milliards d’euros sur les dépenses de protection sociale. Les attaques contre l’hôpital public vont s’amplifier avec une nouvelle réduction des dépenses de 520 millions d’euros ! Sa restructuration aboutit, en particulier, à la fermeture de nombreuses maternités et de centres d’IVG. Enfin, la majorité des députés socialistes ont mis à mal l’universalité des allocations familiales. Soit l’ouverture d’une boîte de Pandore, dans laquelle il est à craindre que s’engouffrent à l’avenir tous ceux qui aspirent à détruire les derniers mécanismes de solidarité hérités de la Libération.

Cette baisse de protections sociales ne peut d’ailleurs que s’amplifier : les exonérations de cotisations patronales provoqueront inévitablement les « trous » des comptes sociaux de demain. On touche là à un autre aspect de cette politique d’austérité. Où va l’argent économisé ? À réduire certes les déficits – on n’aura pas la place ici de détailler la stupidité d’une politique obnubilée par cette baisse ni de revenir sur l’illégitimité d’une dette très largement due à la transformation de la dette privée en dette publique à partir de 2008 – mais aussi à palier les cadeaux royaux accordés aux entreprises sans contreparties : 40 milliards ponctionnés sur la richesse collective. Et ce pour aucun bénéfice (ni sur le chômage ni sur l’investissement), sauf pour les actionnaires et les revenus du capital. Car le fond de cette politique de « compétitivité » est bien là : maintenir la « confiance » des investisseurs et de la finance. Or, le coût du capital et l’austérité sont les deux mamelles du libéralisme. C’est contre eux que nous appelons à manifester, le 15 novembre, à Paris et dans les grandes villes de France, pour dire que le budget qui les favorise doit être rejeté. Une alternative sociale, écologique et politique est indispensable.

Cosignataires : Isabelle Attard, Nouvelle Donne ; Clémentine Autain, Ensemble ! ; Ana Azaria, présidente de Femmes égalité ; Jean-Marc Canon, secrétaire général de l’Union générale des fédérations de fonctionnaires CGT ; Éric Coquerel, Parti de gauche ; Olivier Dartigolles, PCF ; Patrick Hallinger, Convergences services publics ; Liêm Hoang Ngoc, Socialistes affligés ; Jérôme Gleizes, EELV ; Christiane Marty, féministe ; Françoise Nay, militante de l’hôpital public ; Willy Pelletier, Fondation Copernic ; Baptiste Talbot, secrétaire général de la fédération CGT des services publics ; Malika Zediri, APEIS.

[^2]: Cette tribune s’appuie beaucoup sur l’excellente note collective réalisée par la Fondation Copernic, les Économistes atterrés et Attac : « Budget 2015, un mauvais tournant ».

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