Qui sont les vrais « écoterroristes » ?

Déjà condamné deux fois pour « inaction climatique », l’État français a choisi ses ennemis : les militants écologistes, qualifiés « d’écoterroristes ». Mais qui est le plus dangereux ?

Hélène Tordjman  • 8 février 2023
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Qui sont les vrais « écoterroristes » ?
Une manifestation écologiste, en septembre 2019, à Nuremberg, en Allemagne.
© Markus Spiske / Unsplash.

Nous vivons dans un monde de plus en plus orwellien, où noir c’est blanc et la paix c’est la guerre. Dans la foulée du mouvement contre les mégabassines à Sainte-Soline et ailleurs, Gérald Darmanin, ministre de l’Intérieur, avait, l’automne dernier, traité les activistes écologistes d’« écoterroristes ».

Ces « terroristes » portent pourtant un combat fondamental et courageux, et d’autant plus légitime que les politiques ne semblent toujours pas prendre la mesure de l’urgence. Les émissions de gaz à effet de serre continuent d’augmenter, ainsi que l’usage des pesticides, l’eau de pluie n’est plus potable, le Gulf Stream risque de disparaître, le pergélisol fond, mais l’État français a choisi ses ennemis : les écolos. Ces derniers mois ont vu une succession inquiétante de circulaires et de lois aboutissant à criminaliser l’action écologique.

Qui représente une menace pour l’intérêt général ? Les activistes écologistes, vraiment ?

On ne compte plus les amendes et les gardes à vue à la suite de manifestations. Des militants sont placés sur écoute, filmés devant chez eux, tracés par GPS. Une circulaire du 9 novembre 2022 émanant d’Éric Dupond-Moretti, garde des Sceaux, demande aux présidents de tribunaux de privilégier des « réponses pénales systématiques et rapides » aux « contestations de projets d’aménagement du territoire ».

La loi contre le « séparatisme », exigeant des associations un « contrat d’engagement républicain » pour toucher des subventions publiques, permet dans les faits d’arrêter de financer les associations qui s’intéresseraient aux modes d’action non-violents issus de la désobéissance civile. La cellule de gendarmes Déméter traque les opposants au système agro-industriel dans les campagnes. Le mouvement des Soulèvements de la Terre est menacé de dissolution (1)…

1

Lire « La désobéissance civile environnementale devant les tribunaux », Morgane Fouillen, Kelia Islas Proni et Léo Schimöller, 2022.

Et pourtant, ce même État français a été condamné deux fois pour « inaction climatique », pour n’avoir pas tenu des engagements qu’il s’était lui-même fixés. Il continue d’autoriser la production de pesticides hautement toxiques interdits en Europe et qui seront exportés vers des pays moins regardants.

Il soutient les tentatives des instances européennes de déréglementer les organismes génétiquement modifiés issus des nouvelles techniques d’obtention végétale et animale, qui risquent d’aboutir à une acceptation pure et simple de ces « nouveaux OGM », pour certains sans tests ni étiquetage.

Sur le même sujet : « L’écologie est une bataille collective, systémique et anticapitaliste »

Il propose de faire durer plus longtemps encore des centrales nucléaires déjà vieillissantes et mal entretenues. Ce même État qui dépense des dizaines de milliards d’euros par an en aides, subventions, exonérations de charges et autres allégements d’impôts aux grandes entreprises responsables du désastre planétaire et aux criminels en col blanc qui les dirigent.

Qui est le plus dangereux ? Qui représente une menace pour l’intérêt général ? Les activistes écologistes, vraiment ?

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