Dégueulasseries sponsorisées

À l’hebdomadaire assisté le Point, Houellebecq dit son point de vue sur le conflit israélo-palestinien.

Sébastien Fontenelle  • 19 février 2015 abonné·es

Ça doit être un peu dur, quand t’es Palestinien(ne), d’être jugé par un con, me disais-je l’autre matin en lisant dans l’hebdomadaire assisté le Point – où l’État déverse chaque an (nous ne devrons jamais nous lasser de le répéter) des millions d’euros d’aides publiques, à la fin que ses chefferies puissent (notamment) continuer de publier toutes les semaines des appels hallucinés à « réduire la dépense publique »  – une interview, d’une complaisance tout à fait exemplaire de l’incommensurable veulerie où « nos » (façon de parler) journalistes de (relative) proximité aiment certaines fois à se vautrer, de Michel Houellebecq, écrivain.

Les propos qu’il y tient donnent très nettement l’impression que ce pathétique personnage est toujours très profondément rongé par la pathologie qui lui fait proférer depuis de très longues années, sur l’islam et les musulman(e) s, des considérations auprès de quoi les avis sur la vie de M. Ciotti, Éric, député UMP des Alpes-Maritimes, passeraient presque – presque – pour de la philosophie émancipatrice, mais qui ont du moins le mérite, dans une époque où le crachat phobique vaut brevet d’honorabilité médiatique, de lui attirer plus d’attention que la réalité stylistique de son attristante prose. (Comme on sait, le même individu s’est déjà plusieurs fois signalé, dans le cours de la dernière décennie, et sur ces mêmes thèmes, par l’excrétion de points de vue défiltrés qui l’érigeaient, tout au rebours de ce que prétend(ai)ent ses thuriféraires, en vivante statue de l’avachissement conformiste.)

Mais cette fois – enhardi peut-être, par la bienveillance militante du journaleux qui recueille son propos – il dit également son point de vue sur le conflit israélo-palestinien, qui est, en substance, qu’il ne savait pas trop, naguère, où étaient, dans cette confrontation, les bon(ne)s et les méchant(e)s, mais que, finalement, « les attentats palestiniens » l’ont si profondément « choqué » qu’il s’est rendu – sans trop de résistance, suppose-t-on – à la conclusion que « moralement, dans ce conflit, Israël est supérieur à la Palestine », car l’armée israélienne, elle, fait dans la « frappe ciblée », et non dans « l’attentat aveugle ».

Et certes, dans la vraie vie, les bombardements israéliens font, lorsqu’ils s’abattent par exemple sur les populations de la bande de Gaza, ainsi qu’on l’a encore vérifié l’été dernier, des centaines de victimes civiles, dont beaucoup d’enfants – et ne sont donc pas moins aveugles que les « attentats » auxquels Houellebecq se réfère. Mais d’évidence ce terrorisme-là, dont la sauvagerie frappe impunément des Arabo-musulman(e)s, n’émeut que fort peu « notre » (façon de parler) romancier.

Ne pas s’y tromper, cependant : le plus inquiétant – pour ce que cela nous dit de ce que nous sommes en train de devenir collectivement – n’est pas que ce pauvre type débite ces affreuses divagations. Mais qu’un hebdomadaire sponsorisé par l’impôt, et que ravit manifestement cette soumission absolue à l’esprit dégueulasse du temps, le laisse cracher sa bile sans jamais l’arrêter.

Publié dans
De bonne humeur

Sébastien Fontenelle est un garçon plein d’entrain, adepte de la nuance et du compromis. Enfin ça, c’est les jours pairs.

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