« La paix, c’est la guerre »

Le macronisme fait preuve de raffinement lorsqu’il proclame son attachement au droit au moment où il le bafoue.

Sébastien Fontenelle  • 12 février 2020 abonné·es
« La paix, c’est la guerre »
© Francois Mori / POOL / AFP

Emmanuel Macron a prononcé, vendredi 7 février à l’École de guerre, devant un parterre militaire, un dense (1) discours où il a exposé sa vision de la « stratégie » française – et européenne – « de défense ». Dans le cours de cette longue péroraison – de laquelle ressortait notamment que la dissuasion nucléaire a ceci de vraiment bath qu’elle permet de se protéger contre les salauds qui voudraient s’équiper d’une dissuasion nucléaire –, le chef de l’État (et de ses armées) a fait cette déclaration : « La refondation de l’ordre mondial au service de la paix doit être notre cap […]_. Toute notre action doit être au service d’une ambition, celle de la paix, tirant parti d’un multilatéralisme fort et efficace fondé sur le droit._ […] Nous attendons des grands partenaires de l’Europe qu’ils œuvrent à préserver et à renforcer le droit international, et non à l’affaiblir. La transparence, la confiance et la réciprocité sont la base de la sécurité collective. »

C’était beau comme tout. Et tellement émouvant.

Mais bien sûr – et nous n’en serons certes pas surpris·es, car nous savons que ces baratins sont ce qui, depuis son début, caractérise son quinquennat – Emmanuel Macron hâble effrontément lorsqu’il se pose ainsi en héraut de la « paix », du « droit » et de la « transparence ».

Jeudi 6 février, en fin d’après-midi : un cargo saoudien, le Bahri Yanbu, a fait à Cherbourg une escale protégée par des commandos de la marine nationale – cependant que les quelques centaines de manifestant·es qui protestaient contre cet accostage étaient contenu·es, comme il est de règle en Macronie, par un dispositif policier.

Commentaire, dans un communiqué daté du 7 février, d’Aymeric Elluin, chargé de plaidoyer chez Amnesty France : « En laissant accoster ce navire de la honte dans le port de Cherbourg, la France a fait délibérément le choix de ne pas respecter ses engagements internationaux. Il y a en effet un risque extrêmement fort que ce bateau soit venu charger des équipements militaires français à destination de l’Arabie saoudite, équipements qui pourraient être utilisés pour commettre de terribles crimes de guerre dans le conflit en cours au Yémen. » De plus, le Bahri Yanbu était, toujours selon Amnesty, déjà « chargé d’armes » lorsqu’il est arrivé à Cherbourg. De sorte que « le simple fait de laisser transiter ce navire par un port français est contraire au droit international ».

On a déjà souvent constaté ici que le macronisme était un régime orwellien. Reconnaissons cependant qu’il sait parfois faire preuve d’une certaine forme de raffinement, lorsque par exemple il proclame à Paris son attachement au « droit international » et à la « transparence » dans le moment précis où il les bafoue à Cherbourg : reconnaissons que c’est tout de même infiniment plus élégant que de décréter tout crûment que « la guerre, c’est la paix ».

(1) Et discrètement pontifiant.

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De bonne humeur

Sébastien Fontenelle est un garçon plein d’entrain, adepte de la nuance et du compromis. Enfin ça, c’est les jours pairs.

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