Cachets minables

Une enquête inquiétante, menée par Annick Redolfi et Stéphane Horel, sur les pratiques de l’industrie pharmaceutique.

Jean-Claude Renard  • 4 juin 2009 abonné·es

C’est un domaine où ils ne seront pas des bottes à détrôner la France. En effet, nous serions les premiers consommateurs de médicaments au monde. Partant de ce constat, Annick Redolfi et Stéphane Horel, sur une idée d’Isabelle Barré, ont tenté d’en trouver les explications. Des explications vite trouvées dès lors que l’on observe le fonctionnement de l’industrie pharmaceutique, qui vend de la santé et n’en reste pas moins une entreprise.

Foin de philanthropie. Ajoutant des séquences d’animation à plusieurs entretiens croisés, les réalisateurs analysent le système français, des essais cliniques aux effets secondaires subis par les patients.
La commercialisation du Vioxx est un exemple parmi d’autres, vanté pour ses bienfaits contre l’arthrose et la polyarthrite rhumatoïde. Ses ventes ont explosé jusqu’en 2005, avant qu’il ne soit retiré du marché à cause d’effets désastreux. Autre exemple, le Plavix, l’anticoagulant le plus prescrit au monde, pas plus efficace que l’aspirine mais pour un prix vingt-sept fois supérieur. Différence qui a rapporté 500 millions d’euros : un tour de passe-passe de génie pour Sanofi-Aventis.

Au fil d’une promenade de santé, les réalisateurs pointent tous les torts et travers du secteur. Des structures de contrôle peu actives, voire retorses, aux vérifications, le travail de VRP pour une autorisation sur le marché, sans esprit thérapeutique ou sanitaire, le profit étant la priorité, avec des dossiers jamais rendus publics et des experts juges et parties, employés par les laboratoires. Plus un expert est consulté, plus il a de contrats avec l’industrie, doublant, triplant ainsi son salaire. Forcément, il est difficile d’être libre quand on juge son employeur. Il existe même des connivences entre l’Agence française de sécurité sanitaire des aliments (Afssa) et les labos. Résultat, 90 % des médicaments proposés à l’autorisation sur le marché obtiennent satisfaction. Côté évaluation thérapeutique, 83 % des nouvelles pilules en rayon n’apportent rien de plus. Mais tant qu’il y a 20 à 25 % de retour sur investissement… Et comme la recherche stagne, l’industrie met le paquet sur le marketing, déploie ses visiteurs médicaux chez des médecins peu critiques à l’égard de ce qu’on leur vend. Au besoin, on crée même des médicaments pour les bien portants, ces malades qui s’ignorent, selon la formule de Jules Romains. Au fil de l’enquête, c’est une Babylone de mauvaise foi, de malhonnêteté économique, politique et médicale que recueillent les réalisateurs.

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