Le « Midi rouge » a repris son drapeau

En Languedoc-Roussillon, la liste « À gauche maintenant » a rassemblé 3 500 personnes pour son meeting de lancement. Une dynamique portée par toute l’autre gauche.

Michel Soudais  • 4 février 2010 abonné·es
Le « Midi rouge » a repris son drapeau
© Photo : M. Soudais

PCF-PG-NPA, bras dessus, bras dessous. C’est l’image qu’ont donnée, vendredi soir à Montpellier, Marie-George Buffet, Jean-Luc Mélenchon et Myriam Martin, du comité exécutif du Nouveau Parti anticapitaliste. Ils étaient venus soutenir la liste « À gauche maintenant », conduite par René Revol, professeur en khâgne et à l’IUFM de Montpellier, maire de Grabels (5 000 habitants), dans l’agglomération montpelliéraine, et membre du bureau national du Parti de gauche. Une liste comme il en existe à peine trois en France puisqu’elle réunit huit organisations politiques. Et quelques figures du monde associatif et syndical du Languedoc-Roussillon.
Arrivés à Montpellier en pleine tempête médiatique autour de Georges Frêche, au lendemain de la déclaration de candidature à la région d’Hélène Mandroux, la maire (PS) de la ville, les trois têtes d’affiche du jour n’ont pas boudé leur plaisir. Précédés du Caroline Jazz Band de Montpellier, et accompagnés de René Revol, ils ont lentement traversé le hall du parc des expositions, où quelques retardataires dégustaient encore des pizzas et des tartes aux pommes au milieu des nombreux stands des organisations du Front de gauche, du NPA, des Alternatifs, des Objecteurs de croissance, du M’pep… Arrivés dans la salle du meeting tendue de vert et de rouge, où une foule de 3 500 personnes avait pris place, ils ont marqué une pause. Attendu la fin du discours de François Liberti, ancien député-maire communiste de Sète, tête de liste dans l’Hérault. Avant de remonter, comme en manif, l’allée centrale sous les applaudissements.

Un lancement en fanfare pour une liste qui ne cache pas son ambition : relever le drapeau du « Midi rouge » et gérer la région. Symboliquement encore, elle a ouvert un local de campagne au quatrième étage d’un immeuble bourgeois très en vue, place de la Comédie, en plein centre de Montpellier. Parce qu’il n’y a pas de raison que les plus démunis soient exclus du centre historique, nous explique-t-on. D’autant que bien des manifs se terminent ou partent d’ici. « À gauche maintenant » défie Georges Frêche. Et ne s’en cache pas. La personnalité sulfureuse du président de la région a favorisé l’unité de la gauche radicale. Pour autant, l’anti-fréchisme n’est pas son seul ciment. Ni son seul programme, comme l’ont rappelé plusieurs orateurs. À la tribune. Et lors du point de presse organisé avant le meeting.

Exercice difficile. Comment en parler tout en parlant le moins possible, sachant que si tant de médias se sont déplacés, c’est d’abord pour savoir si l’autre gauche acceptait de se ranger derrière la nouvelle candidate socialiste anti-Frêche ? Marie-George Buffet suggère à Hélène Mandroux de rejoindre la liste de René Revol « sur les bases du Front de gauche ». Jean-Luc Mélenchon, lui, explique en quoi « les affaires tournent plutôt à l’avantage » de la liste qu’il soutient : « Nous nous sommes rassemblés. Un accord de second tour a été acté avec Europe Écologie. Et il y a une scission au PS. »

Oublier Frêche pour penser l’après, c’est aussi ce que réclame le public, venu de toute la région, en car et en covoiturage. En première partie de soirée, entre l’intervention d’un responsable de RESF et d’une représentante de Sanofi, premier employeur montpelliérain (1 350 salariés), touché par un « plan de départs volontaires » portant sur 20 % des effectifs, les organisateurs ont diffusé un petit film recensant les plus récentes saillies de Georges Frêche : je suis « dans le même camp que Sarkozy » pour Israël ; j’ai été « élu par des cons » ; « Hortefeux n’est pas raciste » , etc. La salle regarde, silencieuse. Les visages sont impassibles. Atterrés.

Elle s’anime au contraire quand il est question de l’unité de la gauche. Lorsque Myriam Martin, première intervenante, fait part du « salut et des excuses d’Olivier Besancenot, retenu en Île-de-France par sa campagne », des sifflets s’élèvent. Le porte-parole du NPA avait donné son accord pour participer à ce lancement de campagne, avant de décliner l’invitation cinq jours avant. Trop tard pour refaire les tracts et les affiches qui l’annonçaient. Ce défilement de dernière minute passe mal, y compris dans les rangs du NPA. Sa remplaçante, Myriam Martin, qui conduit une liste NPA en Midi-Pyrénées, n’a pas la tâche facile. Mais elle est vite applaudie quand elle salue le travail accompli pour parvenir à « une liste unitaire, claire sur son indépendance et anticapitaliste ».

Dans cette région où le « non » au référendum sur le traité constitutionnel européen avait fait éclore des collectifs unitaires et populaires, précédant un vote de rejet massif, où les mobilisations contre le CPE et l’espoir d’une candidature unitaire à la présidentielle ont été forts, l’alliance de la gauche radicale est ancrée dans le paysage. Elle plonge ses racines dans la mémoire toujours vivace du « Midi rouge » que les années de règne de Georges Frêche ne sont pas parvenues à effacer.
Surfant sur ce sentiment, Jean-Luc Mélenchon, élu député européen sur cette terre en juin dernier, se taille un franc succès en expliquant que l’autre gauche n’est pas d’accord avec Georges Frêche, pas seulement parce qu’il lui « fait honte » mais aussi parce qu’elle est en désaccord avec lui « sur le fond politique » : « Quand il parle des Noirs dans l’équipe de France, il parle comme le pire de la droite identitaire, et quand il dit que la retraite à 60 ans est impossible, il parle comme le pire de la gauche d’accompagnement. » Selon lui, le Languedoc-Roussillon est « devenu l’épicentre du renouveau de la gauche » : l’autre gauche y est parvenue à s’unir, et elle a construit une stratégie pour gagner.

Elle a aussi un programme que détaille la tête de liste. Satisfait de clôturer « le plus grand meeting jamais réalisé pour une élection régionale ici », René Revol, entouré des têtes de liste départementales, appelle à « relever le drapeau de la gauche ». Celle d’une gauche « humiliée d’abord par la droite » quand son représentant, Raymond Couderc, qui était au côté de Jacques Blanc, a gouverné pendant six ans la région avec le FN. Une gauche qui s’est fait « voler [sa] victoire » de 2004, a été « bafouée et humiliée par des propos de comptoir qui jour après jour distille des valeurs contraires à celles de la République » . « La gauche, c’est nous ! » , lance-t-il à une salle debout.

Selon lui, « À gauche maintenant » ne se présente pas « contre » la gauche. Mais celle-ci ayant démissionné, elle se présente « à sa place ». Avec des principes simples qui sont autant de points de programme : « L’argent de la région, c’est l’argent du peuple et il doit aller au peuple. » Et non aux entreprises qui licencient ou aux établissements d’enseignement privé. « La gratuité des transports » , mesure estimée à 70 millions d’euros par an, une somme modeste, avec notamment la création d’une régie publique ferroviaire. La création d’une agence régionale de l’eau. Et celle d’un service public de la formation professionnelle, en infraction avec la loi Borloo et les directives européennes, mais, explique-t-il, « il faut oser affronter les tribunaux ». Sans oublier, au cœur du programme, « une démocratie active » , avec des « votations » sur tous les grands sujets régionaux.

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