Un petit pastiche pour la route ?

Le Gorafi souligne les travers des sites d’actualité en continu par la farce et la satire. Loin de toute caricature, c’est hilarant et bien observé.

Jean-Claude Renard  • 29 août 2013 abonné·es

Le saviez-vous ? Les forces de l’ordre effectueraient « moins de contrôles d’identité discriminatoires vis-à-vis d’une frange de la population française : les citoyens ayant pour nom “Valls” et pour prénom “Manuel” seraient ainsi 7 ou 8 fois moins contrôlés que la moyenne ». Tels sont les résultats d’une enquête de deux chercheurs au CNRS, Fabien Jobard et René Lévy (les deux comparses avaient déjà démontré que « la police procédait à davantage de contrôles d’identité sur les personnes d’origine maghrébine ou subsaharienne » ). Une nuance cependant dans cette enquête « coup-de-poing »  : «   Pour les personnes qui possèdent comme nom de famille “Valls” mais qui ne possèdent pas le prénom “Manuel”, le risque d’échapper à un contrôle passe de 7-8 fois à 3,7 fois moins que la moyenne. Ce qui reste tout de même significatif   », explique Fabien Jobard.

Les scientifiques précisent encore que c’est davantage le nom qui engendre cette forme « d’immunité sociale »  : «   Pour les individus qui s’appellent simplement “Manuel”  […], le risque d’être contrôlé redevient à peu près normal. Sauf si évidemment vous êtes de type maghrébin ou noir. Là, le risque d’être interpellé augmente   », détaille René Lévy. À la clé de l’enquête publiée par le site Le Gorafi, les chercheurs émettent une proposition : « Afin que le reste des Français qui ne s’appellent pas Manuel Valls n’aient plus l’impression d’une impunité totale, il serait nécessaire de procéder à différentes mesures. L’une d’entre elles pourrait simplement consister à changer de nom pour adopter le patronyme d’un ancien ministre de l’Intérieur, par exemple. Mais, vu le trop grand nombre de changements que cela impliquerait, il serait peut-être plus judicieux de changer le nom des quelques personnes s’appelant Manuel Valls. » Dans un autre article du site, on découvre que l’UMP, « acculée, vend des tee-shirts anti-Sarkozy pour rembourser ses frais de campagne ». On peut donc acheter des maillots marqués d’un « Je déteste ce nabot mais j’aime l’UMP ». Pour NKM, « tout le monde doit participer. Les adhérents, les parlementaires de l’opposition mais aussi Nicolas Sarkozy en acceptant de prêter son image pour mettre fin à un problème qu’il a lui-même contribué à créer ». On apprend aussi que, selon Jean-François Copé, nourri de « plusieurs articles de Wikipédia », « il existerait une possible responsabilité française dans la colonisation de l’Afrique au cours de l’histoire. Il y a eu parfois des soldats là-bas, considère le patron de l’UMP. Pendant plusieurs années. Que faisaient-ils si loin ? Nous allons devoir répondre à cette question, mais il semble bien qu’il y ait eu des expéditions militaires et politiques parfois même planifiées avec l’accord du pouvoir   ». Pour Nadine Morano, voilà de quoi appuyer « là où ça fait mal, en rappelant qu’il n’existe aucun témoin direct de cette période capable de raconter en détail l’action de la France sur le continent africain. Quoi qu’il en soit, heureusement qu’on était là, sinon ils auraient encore des routes en manioc ».

Telle est la teneur, entre autres, des infos rapportées par Le Gorafi, créé à la suite d’un « conflit d’intérêts avec les créateurs du Figaro en 1826 », empêtré dans les tringles de l’anagramme et véhiculant « toute l’information de sources contradictoires ». Dont on sent très vite la farce et la satire en puisant dans le fil de l’actualité. Comme cet article consacré à Ryan Air, qui rapporte que les passagers devront piloter eux-mêmes les avions, ou celui sur le tabac et « les méthodes pour commencer », ou encore ce râle plaintif de Bachar al-Assad, « victime de harcèlement sur Internet ». Sans tomber dans la caricature forcée, on y souligne tous les travers des sites d’information, entre la crasse bêtise de l’immédiateté et l’accroche tape-à-l’œil. Hilarant et bien observé. Avec des articles de fond, longs, une titraille de choix. Toujours signé par la « rédaction », résolument anonyme, qui défend son droit à l’humour. Non sans y mettre du sens, même dans l’écriture du faux et l’usage de faux.

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