« Le gouvernement est atteint de dissolutionite aigüe »

Après avoir suspendu la dissolution des Soulèvements de la Terre prononcée par le gouvernement, le Conseil d’État tenait audience ce vendredi 27 octobre en vue d’une décision définitive, dans quelques jours. Les Soulèvements de la Terre et ses alliés avaient appelé à un rassemblement devant le Palais Royal, à Paris. Reportage.

François Rulier  • 27 octobre 2023
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« Le gouvernement est atteint de dissolutionite aigüe »
Rassemblement de soutien aux Soulèvements de la Terre, le 27 octobre 2023, à Paris.
© Maxime Sirvins

A 11 h 50, la foule est encore clairsemée, place du Palais Royal à Paris, ce 27 octobre. À l’appel des Soulèvements de la Terre mais également des syndicats (Solidaires, Confédération paysanne) et d’organisations écologistes (dont Greenpeace France, Alternatiba, Attac ou encore Notre Affaire à tous), un rassemblement est organisé à l’occasion de l’audience « au fond » du recours contre la dissolution des Soulèvements. Pour rappel, le Gouvernement l’avait prononcée le 21 juin par décret en conseil des ministres, avant qu’un collectif ne saisisse les juges des référés du Conseil d’État.

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Voir ici l’appel et la liste des signataires.

Vers 12 h 30, environ 200 personnes attendent le début des prises de parole, dont celles de Léna Lazare et Corinne Morel Darleux. Des drapeaux politiques flottent aux côtés des associations : la France insoumise, dont la députée de Haute-Garonne Anne Stambach-Terrenoir prendra la parole, mais également les écologistes : le député européen Benoît Biteau, un des orateurs, et Sandrine Rousseau, venue saluer quelques militants. D’autres groupes se forment autour de leur étendard : le NPA, mais également l’Union communiste libertaire ou le Peps (un mouvement communaliste et écologiste).

« Tempête liberticide »

Les prises de parole s’enchaînent rapidement, portées par la sonorisation puissante de la camionnette Solidaires. Derrière le risque d’une dissolution, c’est la crainte d’une jurisprudence extensive et liberticide qui pourrait menacer demain l’ensemble du mouvement social. « Qu’est-ce qui empêchera de dissoudre un syndicat de salariés qui brûle des palettes, de paysans qui démonte un Mc Do, un collectif citoyen qui fauche des OGM, un collectif écologiste qui repeint la façade d’une multinationale ? » se demande une participante. La porte-parole d’Attac, Youlie Yamamoto, dénonce un gouvernement « atteint de dissolutionite aigüe », tandis qu’une autre s’inquiète de la « tempête liberticide qui s’abat sur la contestation sociale ».

Corinne Morel-Darleux, parmi les oratrices devant le Conseil d’État. (Toutes photos : Maxime Sirvins.)
À la fin du rassemblement, une fresque est collée au sol et un choeur entonne « L’Estaca », hymne social catalan antifranquiste (Photo : Maxime Sirvins.)

Le rassemblement est également lourd de la mémoire de corps brutalisés il y a peu entre Castres et Toulouse, lors des actions contre l’autoroute A69, dans lesquelles beaucoup étaient engagé·es. Mais également d’un passé plus ancien : Benoît Biteau rappelle que Rémi Fraisse est mort 9 ans et 1 jour auparavant, alors qu’il luttait lui aussi contre un projet inutile, celui du barrage de Sivens, « que la justice a rendu illégal ». Une offensive tous azimuts qui inquiète aussi la maison d’édition La Fabrique, qui dénonce « une attaque détournée contre la liberté de la presse et de l’édition ». Un de ses livres, Comment saboter un pipeline d’Andreas Malm, constitue en effet l’un des arguments du gouvernement dans le décret de dissolution.

Sur le même sujet : Ultragauche : le procès antiterroriste déterminant de « l’affaire du 8 décembre »

Une autre actualité plane sur ce rassemblement, celui de la répression contre la gauche radicale et antifasciste. Le Conseil d’État examine également ce 27 octobre la dissolution du Groupement Antifasciste Lyon et Environs (GALE), tandis que depuis le 3 octobre, sept militants « d’ultragauche » accusé·s de terrorisme sont entendus au tribunal correctionnel de Paris, dans « l’affaire du 8 décembre ». Une occasion pour leurs proches de dénoncer le fonctionnement judiciaire et la répression.

Vers 13 h 30, les prises de parole touchent à leur fin. Une fresque du Palais Royal, envahi par la végétation et cerné par une foule immense, est collée au sol. Les discussions vont bon train entre ces militants et sympathisants de tous âges, présents tant pour la défense de la planète que la défense de la gauche antifasciste. Un chœur se forme et accompagne de ses chants la fin du rassemblement : « Il faut qu’il tombe, tombe, tombe. Vois-tu, comme il penche déjà. » (1) Prémonitoire ?

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Paroles de « L’Estaca », chanson de Lluís Llach de 1968, hymne catalan de contestation sociale antifranquiste.

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