Pologne : le pouvoir judiciaire menacé

Le Parlement polonais a voté une loi réformant la Cour suprême. Cet épisode met en lumière la situation politique du pays et ses relations avec les institutions européennes.

Malika Butzbach  • 21 juillet 2017
Partager :
Pologne : le pouvoir judiciaire menacé
© photo : Omar Marques / ANADOLU AGENCY

Au gré des épisodes politiques, la Pologne du parti conservateur Droit et Justice (PiS) semble glisser dans la démocratie illibérale, ce type de régime où la présence d’élections au suffrage universel masque le manque de contrepouvoir et l’absence de séparation des pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire. C’est ce qu’illustre le vote, ce jeudi 20 juillet, de la loi sur la refonte de la Cour suprême, l’institution chargée, entre autres, de valider les élections du pays. Le texte, voté à 235 voix pour et 195 contre à la Diète (chambre basse) prévoit l’obligation de départ des membres de la Cour et la nomination de leurs successeurs par le gouvernement.

Soumettre la justice

La discussion du texte à la Diète a connu un rebondissement avec la prise de position du président de la République, Andrzej Duda (pourtant lui-même issu du PiS), qui a menacé de mettre son véto. Il exige, pour ne pas mettre sa menace à exécution, qu’une autre loi portant sur le Conseil national de la magistrature impose que les membres de ce dernier soient élus à la majorité des trois cinquièmes et non à la majorité simple de la Diète. « Ce projet doit empêcher que l’on puisse dire que le Conseil national de la magistrature est une structure appropriée par un parti politique. […] On ne peut pas laisser cette impression dans la société polonaise », a affirmé le Président dans une allocution solennelle, rapportée par Le Monde.

Je ne signerai pas la loi sur la Cour suprême, même si elle est adoptée par le Parlement, si ma proposition de réforme n’est pas adoptée et ne devient pas partie intégrante du système juridique polonais.

Grzegorz Schetyna, président du parti d’opposition Plateforme civique, a qualifié cette loi de « coup d’État » et de nombreuses manifestations ont eu lieu dans le pays. À Varsovie, ils étaient entre 15 000 (selon la police) et 50 000 (selon la mairie) pour demander à Andrzej Duba de poser son véto à cette loi.

À lire aussi >> La Pologne refuse les migrants

Menaces de l’Union européenne

L’Union européenne reste observatrice de la situation polonaise mais réitère ses menaces de passer à l’action. La veille du vote de la loi sur la refonte de la Cour suprême, la Commission l’a fait savoir à la Pologne par la bouche de Frans Timmermans, son premier vice-président. « L’État de droit est une des valeurs qui définissent notre Union. Ce qui se passe aujourd’hui en Pologne nous touche tous », a répété l’ancien ministre néerlandais des Affaires étrangères. « Nous sommes désormais très proches de déclencher l’article 7 du traité de l’UE », a-t-il ajouté. Cet article permet de lancer une procédure pouvant conduire à la privation du droit de vote d’un pays au Conseil s’il existe un « risque clair de violation » dans ce pays des valeurs définies par l’Union européenne. Une menace que la Commission européenne avait déjà brandie face à Viktor Orban, président de la Hongrie, en mai dernier.

À lire aussi >> Hongrie : Une longue dérive autoritaire

Monde
Temps de lecture : 3 minutes
Soutenez Politis, faites un don.

Chaque jour, Politis donne une voix à celles et ceux qui ne l’ont pas, pour favoriser des prises de conscience politiques et le débat d’idées, par ses enquêtes, reportages et analyses. Parce que chez Politis, on pense que l’émancipation de chacun·e et la vitalité de notre démocratie dépendent (aussi) d’une information libre et indépendante.

Faire Un Don

Pour aller plus loin…

Extrême droite allemande : « Comme souvent, la colère retombe, on s’habitue »
Entretien 1 décembre 2025 abonné·es

Extrême droite allemande : « Comme souvent, la colère retombe, on s’habitue »

Alors que l’AfD vient de refonder son organisation de jeunesse à Gießen, plusieurs dizaines de milliers de personnes ont bloqué la ville pour tenter d’empêcher la tenue du rassemblement. Pour la germaniste et historienne Valérie Dubslaff, cette séquence s’inscrit dans la continuité des grandes mobilisations de 2024.
Par Maxime Sirvins
En Allemagne, une mobilisation massive contre l’extrême droite
Reportage 1 décembre 2025

En Allemagne, une mobilisation massive contre l’extrême droite

Près de 50 000 personnes venue de tout le pays se sont rassemblées ce week-end à Gießen pour empêcher le parti d’extrême droite Alternative für Deutschland (AfD) de reformer sa faction jeune, auto-dissoute huit mois plus tôt.
Par Camille Tribout
À Valence, l’extrême droite Vox surfe sur les inondations
Monde 28 novembre 2025 abonné·es

À Valence, l’extrême droite Vox surfe sur les inondations

Un an après la crue meurtrière d’octobre 2024, les habitants de Paiporta sont amers de la gestion de la tragédie par les autorités qui a dévasté la ville. Le parti d’extrême droite Vox a su tirer parti de ce désarroi.
Par Pablo Castaño
En Guyane, le mastodonte logistique de l’orpaillage illégal
Reportage 26 novembre 2025

En Guyane, le mastodonte logistique de l’orpaillage illégal

Près de 80 % des activités liées à l’extraction illicite de l’or en Guyane se concentrent sur le Haut-Maroni. Depuis la rive surinamienne, les garimpeiros – orpailleurs clandestins – ont édifié un système bien huilé pour exploiter le sol français.
Par Tristan Dereuddre