« l’Éclat du jour », de Tizza Covi et Rainer Frimmel : Dans l’intimité des ours

Dans l’Éclat du jour , deux solitaires, un comédien et son oncle, homme de cirque, se découvrent.

Christophe Kantcheff  • 13 février 2014 abonné·es

Après avoir réalisé des documentaires, Tizza Covi et Rainer Frimmel sont passés à la fiction sans guère changer leur méthode. Ce qui a donné le remarquable la Pivellina en 2010. Les revoici avec un film qui continue à travailler des situations fictionnelles au moyen d’une matière documentaire : des personnages nourris de la vie des comédiens qui les incarnent, et des dialogues fortement improvisés. Dans l’Éclat du jour, ce sont Walter et son neveu, Philipp, qui se rencontrent. Philipp Hochmair est dans son propre rôle de comédien de théâtre, qui passe son temps à apprendre des textes, à répéter et à jouer. Walter est Walter Saabel, déjà vu dans la Pivellina. Lanceur de couteaux, dresseur d’ours, homme de cirque dont on devine qu’il ne se produit plus fréquemment, libre de toute contrainte.

Leur solitude est a priori antinomique. Quand Philipp semble se fuir dans les multiples personnages qu’il interprète, Walter vit sa présence au monde de façon plus contemplative, à l’écoute de sa vie intérieure et de l’existence des autres. L’improbable amitié qu’ils nouent est pourtant bien réelle. Philipp découvre cet oncle incidemment, à Hambourg. Un oncle dont personne ne lui a parlé – Walter a été rejeté par sa famille. Le personnage lui paraît singulier et chaleureux, tandis que Philipp intrigue Walter, lui inspire une sincère admiration, l’irrite parfois à cause de son narcissisme.

Les cinéastes montrent les deux hommes dans des conversations où, par exemple, Walter raconte comment les ours, qu’il aime, ont abîmé son corps, tandis que Philipp demande à son oncle de lui faire répéter ses répliques ou l’entraîne dans les coulisses des théâtres où il joue, à Hambourg puis à Vienne, où vit le comédien et où l’a rejoint Walter. Le monde extérieur frappe à la porte par l’intermédiaire d’un voisin de Philipp, un Moldave dont la femme est bloquée dans leur pays d’origine et qui demande de l’aide pour la garde de ses enfants. Trop occupé, Philipp confie les gamins à Walter, qui se met à imaginer un stratagème pour exfiltrer la mère de Moldavie. Cette action risquée est strictement altruiste. Walter réussit à y impliquer, à sa mesure, Philipp. Mine de rien, Tizza Covi et Rainer Frimmel interrogent, de film en film, ce que signifie la présence au monde des individus, et leur responsabilité. Ils le font ici à travers deux personnages intenses et, malgré leurs différences, généreux d’eux-mêmes.

Cinéma
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