Grup Yorum : Helin et Ibrahim hospitalisé·es par la police

Mercredi 11 mars, Ibrahim Gökçek et Helin Bölek, les deux membres de Grup Yorum en grève de la faim depuis plus de 260 jours, ont été hospitalisé·es de force par la police.

Politis.fr  • 12 mars 2020
Partager :
Grup Yorum : Helin et Ibrahim hospitalisé·es par la police
© Photo : Grup Yorum. nHelin Bölek et Ibrahim Gökçek en sont respectivement à leur 266 ème et 269 ème jours de grève de la faim.

D urant des heures, nous n’avons pas pu savoir où ils avaient été amenés », indique un communiqué rédigé par les membres de la formation musicale Grup Yorum, qui dénonce un « kidnapping ». Ce n’est qu’à l’aube que les proches d’Ibrahim Gökçek et Helin Bölek, respectivement en grève de la faim depuis 269 et 266 jours, ont su qu’il et elle avaient été hospitalisé·es contre leur gré.

Mercredi 11 mars, aux alentours de 3h30 du matin, la police a fait irruption dans la maison où les deux musicien·nes de Grup Yorum poursuivaient leur grève de la faim avant de les embarquer vers l’hôpital public d’Ümraniye, à Istanbul.

Selon le journal d’opposition Bianet, les deux musicien·nes de Gurp Yorum ont été arrêté·es sur ordre d’un tribunal, en vertu de l’article 432 du code civil turc, relatif « à la privation de liberté à des fins d’assistance ou de traitement ».

D’après les conditions de cet article, toute personne majeure peut être privée de sa liberté si elle représente « une menace pour la société en raison de troubles psychiques, d’une déficience mentale, d’une dépendance à l’alcool ou à la drogue ou d’une maladie contagieuse à haut risque » et peut alors être placée dans « une institution appropriée » ou « retenue en vue de son traitement, de sa rééducation ou de sa réhabilitation, lorsque sa protection ne peut être assurée d’une autre manière ».

Les avocat·es du groupe de musique ont contesté les faits et assuré que les musicien·nes ne représentaient aucun danger.

Lire > Grup Yorum : « Soyez un cri pour mon cri »

Mais leurs soutiens craignent désormais qu’Helin et Ibrahim ne soient alimenté·es par la force, « ce qui pourraient causer des séquelles permanentes ». « L’alimentation forcée est un acte de torture », reprend le communiqué des membres de Grup Yorum, appelant à la libération immédiate de leurs « camarades ».

Comme une partie des autres membres de ce groupe contestataire, Ibrahim Gökçek et Helin Bölek sont toujours poursuivi·es pour « appartenance à une entreprise terroriste ».

« Nous aimerions parler de notre musique, de nos engagements ou de nos futurs projets, nous confiait la semaine dernière Inan, guitariste du groupe désormais réfugié en France. Au lieu de ça, notre nom est assimilé sans fondement à celui d’une organisation illégale et nous devons sans cesse nous en défendre. »

Cette organisation, c’est le Parti-Front révolutionnaire de libération du peuple (DHKP-C), d’obédience marxiste-léniniste, inscrit sur la liste des organisations terroristes de la Turquie, de l’Union européenne et des États-Unis. Il revendique des attentats ciblés, notamment contre des policiers, des responsables politiques et militaires.

Des accusations d’affiliation sans cesse démenties par les membres de ce groupe « révolutionnaire » créé en 1985 par quatre étudiants, en réaction au coup d’État militaire de 1980. Dès ses débuts, Grup Yorum expérimente tous les styles, chante en kurde, en arabe ou en circassien, et milite pour les droits et les libertés de chacun·e. Des engagements qui vaudront aux membres du groupe de nombreuses arrestations et procès.

Engagé·es dans ce « jeûne de la mort », les membres du Grup Yorum demandent :

  • l’arrêt des descentes policières contre le centre culturel d’Idil, dans le quartier d’Okmeydanı, à Istanbul, perquisitionné plus de 10 fois au cours des ces deux dernières années.

  • l’arrêt des interdictions de concerts en cours depuis près de trois ans.

  • l’abandon total des poursuites intentées contre les membres de Grup Yorum.

  • la libération des membres encore incarcéré·es.

  • le retrait des noms des membres de Grup Yorum des listes terroristes.

Monde
Temps de lecture : 3 minutes
Soutenez Politis, faites un don.

Chaque jour, Politis donne une voix à celles et ceux qui ne l’ont pas, pour favoriser des prises de conscience politiques et le débat d’idées, par ses enquêtes, reportages et analyses. Parce que chez Politis, on pense que l’émancipation de chacun·e et la vitalité de notre démocratie dépendent (aussi) d’une information libre et indépendante.

Faire Un Don

Pour aller plus loin…

Extrême droite allemande : « Comme souvent, la colère retombe, on s’habitue »
Entretien 1 décembre 2025 abonné·es

Extrême droite allemande : « Comme souvent, la colère retombe, on s’habitue »

Alors que l’AfD vient de refonder son organisation de jeunesse à Gießen, plusieurs dizaines de milliers de personnes ont bloqué la ville pour tenter d’empêcher la tenue du rassemblement. Pour la germaniste et historienne Valérie Dubslaff, cette séquence s’inscrit dans la continuité des grandes mobilisations de 2024.
Par Maxime Sirvins
En Allemagne, une mobilisation massive contre l’extrême droite
Reportage 1 décembre 2025

En Allemagne, une mobilisation massive contre l’extrême droite

Près de 50 000 personnes venue de tout le pays se sont rassemblées ce week-end à Gießen pour empêcher le parti d’extrême droite Alternative für Deutschland (AfD) de reformer sa faction jeune, auto-dissoute huit mois plus tôt.
Par Camille Tribout
À Valence, l’extrême droite Vox surfe sur les inondations
Monde 28 novembre 2025 abonné·es

À Valence, l’extrême droite Vox surfe sur les inondations

Un an après la crue meurtrière d’octobre 2024, les habitants de Paiporta sont amers de la gestion de la tragédie par les autorités qui a dévasté la ville. Le parti d’extrême droite Vox a su tirer parti de ce désarroi.
Par Pablo Castaño
En Guyane, le mastodonte logistique de l’orpaillage illégal
Reportage 26 novembre 2025

En Guyane, le mastodonte logistique de l’orpaillage illégal

Près de 80 % des activités liées à l’extraction illicite de l’or en Guyane se concentrent sur le Haut-Maroni. Depuis la rive surinamienne, les garimpeiros – orpailleurs clandestins – ont édifié un système bien huilé pour exploiter le sol français.
Par Tristan Dereuddre