« Goodbye Julia » : deux femmes, un Soudan

À travers une amitié complexe, ce ­premier film aussi ­instructif que délicat aborde les relations entre Soudanais du Nord et du Sud. Pour la réconciliation.

Anaïs Heluin  • 7 novembre 2023 abonné·es
« Goodbye Julia » : deux femmes, un Soudan
© Madsolutions

Goodbye Julia / Mohamed Kordofani / 2 heures.

En mai dernier, Mohamed Kordofani représentait le Soudan dans la sélection officielle du Festival de Cannes, dans la section Un certain regard, une première pour ce pays. Au moment où le public cannois découvrait Goodbye Julia, son premier film, la situation de son pays empêchait toutefois le cinéaste de goûter pleinement sa réussite. Les images d’affrontement ouvrant le film font écho à la guerre qui a débuté le 23 avril dernier dans la capitale, Khartoum, dont il est originaire. Bien sûr, ce ne sont pas ces violences contemporaines que met en scène la fiction de Mohamed Kordofani. Affichant les intentions instructives du film, une légende situe d’emblée l’action en 2005, le Soudan du Sud n’ayant pris son indépendance qu’en 2011.

Goodbye Julia

Avant de montrer le désordre, les cris et les coups qui envahissent les rues de Khartoum, ce sont deux intérieurs que donne à voir Goodbye Julia : celui de Mona (Eiman Yousif), bourgeoise du Nord et musulmane, et celui de Julia (Siran Riak), chrétienne du Sud pour qui chaque jour est une lutte. La richesse du premier foyer et la rusticité du second permettent au réalisateur de situer socialement ses protagonistes avec une grande économie de mots. Les gestes quotidiens des deux femmes, largement cantonnées à leur espace domestique, sont l’un des langages principaux du film, qui repose sur un non-dit très éloquent quant à la réalité soudanaise, travaillée depuis l’indépendance du pays en 1956 par des violences incessantes entre Nord et Sud.

Espoir de réconciliation

En assistant au meurtre de l’époux de Julia (Ger Duany) par le mari (Nazar Gomaa) de Mona, le spectateur a sur la plupart des personnages une avance dont le film ne cesse de remettre en question l’étendue. À quel point Julia se doute-t-elle que, si Mona l’emploie comme bonne et se donne pour mission de l’aider, c’est parce qu’elle est impliquée dans le décès de son mari ? Julia est-elle même au courant de cette mort ? En faisant de ces questions le cœur de son film, Mohamed Kordofani lui donne une belle densité qui s’épanouit au fil du temps que passent ensemble les deux héroïnes, entre lesquelles naît une entente qui ressemble à de l’amitié. Espoir d’une réconciliation ?

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Cinéma
Temps de lecture : 2 minutes