À flux détendu

Christophe Kantcheff  • 24 janvier 2013
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On ne sait plus aujourd’hui ce que fait un critique de cinéma. Quel est son rôle ? Ne vient-il pas comme un parasite entre le film et le public émettre son avis dispensable ? Est-il toléré à la condition qu’il accroche ses étoiles sur les étals des sorties : indigeste, vite périssable, consommable… ? Que l’on ne s’étonne pas si des critiques – mais pas seulement eux : des cinéastes, des cinéphiles… – en reviennent encore et toujours à Serge Daney. Serge Daney : critique de cinéma passé par les Cahiers puis par Libération, fondateur de la revue Trafic, mort du sida en 1992. Cela fait vingt ans.

Daney est pourtant toujours là, sa réflexion vivante, vivifiante. Pour en comprendre la raison, il suffisait de regarder le beau documentaire que Serge Le Péron lui a consacré, diffusé samedi dernier sur Ciné + Classic (rediffusé le 30 à 20 h 10), Serge Daney, le cinéma et le monde. Une belle introduction pour qui ne l’avait jamais entendu ni lu. Les interlocuteurs du film – Olivier Assayas, Benoît Jacquot, Jean Douchet, Abbas Kiarostami, Nicolas Philibert, Bertrand Bonello… – l’ont tous dit : Serge Daney ne parlait des films que pour mieux comprendre ce qu’était le cinéma.

Ce faisant, il avançait dans son appréhension du monde, des autres et de sa propre vie. Il avançait film après film, ou pas à pas, à la manière du marcheur impénitent qu’il était. En discussion avec Godard ou Rivette, ou dans ses longs monologues, comme le montre également le film de Serge Le Péron, Daney élaborait une cosmologie d’étoiles filmantes, réorganisant à l’envi un univers d’émotions et de théories qui faisaient sens, pour lui comme pour son auditeur/lecteur. Voilà aussi ce que peut faire un critique de cinéma. Certes, Daney était un esprit exceptionnel. Mais il n’est pas interdit d’être par lui stimulé.

Culture
Temps de lecture : 2 minutes
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