La vie après Sarajevo

Jasmila Zbanic évoque les blessures de la guerre à travers une histoire d’amour.

Christophe Kantcheff  • 10 février 2011 abonné·es

Comment la vie a-t-elle repris son cours à Sarajevo, après les années de guerre et de destruction ? Quelles traces profondes, intimes, celles-ci ont-elles laissé ? C’est un des grands mérites du Choix de Luna , deuxième long métrage de la réalisatrice bosniaque Jasmila Zbanic, que de raconter ces blessures à travers une histoire banale, une histoire d’amour entre Luna (Zrinka Cvitesic), une jeune hôtesse de l’air qui a perdu sa mère sous les bombardements, et Amar (Leon Lucev), dont le frère a été tué en héros.

Le souvenir des disparus est encore très présent, et parfois les failles se révèlent au grand jour, par une tendance à l’alcoolisme, par exemple, qui fait perdre à Amar son travail. Les deux personnages principaux sont d’abord traités à égalité. Luna et son énergie vitale, qui songe à avoir un enfant. Amar, deux fois humilié : par la perte de son boulot et par son infertilité. Luna l’entraîne dans un processus de procréation médicale assistée.

Puis le film aborde un autre sujet : Amar trouve réconfort auprès ­d’isla­mistes. Et s’en trouve peu à peu transformé. La scène la plus forte est incontestablement celle de la fête de l’Aïd célébrée dans la famille de Luna. Amar s’insurge qu’on y boive de l’alcool et est vivement rembarré par la frêle grand-mère de Luna, qui n’accepte pas cette intolérance. Dès lors, le personnage d’Amar n’évolue plus. Figé dans ses habits fondamentalistes, il suscite des sentiments contradictoires chez Luna, entre un amour qui perdure et de la répulsion.

Si le film n’évite pas les maladresses ou certains traits appuyés, il ne tombe pas dans le pathos, et témoigne d’une sensibilité de bon aloi.

Culture
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