2023, année des soulèvements

Une poignée de mois et des combats déjà inédits. Retraite, climat, démocratie, violences policières : on vous résume les moments chauds de l’année avec le meilleur de nos publications, au moment de prendre nos quartiers d’été jusque fin août.

Hugo Boursier  • 21 juillet 2023
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2023, année des soulèvements
Manifestation contre la réforme des retraites, le 8 juin 2023 à Paris.
© Lily Chavance

Colère, combats, révoltes. Pancartes, graffitis, slogans. Avant de prendre ses quartiers d’été, Politis rassemble les mots-clefs de cette première partie de l’année. Ceux qui ont rythmé l’actualité sociale, politique et climatique. Ceux qui ont mobilisé des millions de personnes dans les rues, de Laon, en Picardie, de Morlaix, en Bretagne, de Marseille, en Paca, de Nanterre, dans les Hauts-de-Seine ou de Paris. Autant de pavés jetés contre la politique néolibérale et autoritaire d’Emmanuel Macron. Un ras-le-bol général qui jaillit de partout. Pas forcément pour les mêmes raisons. Mais qui vise la même cible : les profondes inégalités générés par le système capitaliste. Sa concurrence, ses objectifs. Ses destructions. De ces errances, Politis en a fait des enquêtes, des reportages, des analyses et des entretiens. Des mois chargés qui nous conduisent, avant notre fermeture estivale, à (tenter de) résumer en quelques mots les articles dont l’objectif était de décrypter, à coup de révélations et de pas de côté, cette année de soulèvements.

Réforme des retraites : « Tu nous mets 64, on te Mai 68 »

Mouvement historique. Certes, la réforme des retraites a été adoptée. Mais elle laissera des traces, tant une grande majorité de la population s’y est opposée, et s’y oppose encore. C’était déjà ce que nous affichions explicitement, le 4 janvier, avec cette « Une » offensive : « 68% des Français·es pour une réforme des retraites… à 60 ans ». En plus de ce sondage exclusif, Pierre Jequier-Zalc racontait les coulisses de la difficile prise en compte des accidents du travail. Un dossier brûlant, annonçant un bras de fer musclé entre le gouvernement et les syndicats. Avec ce sondage, Politis voulait secouer le débat public et faire mesurer au gouvernement l’ampleur des dégâts qu’il allait causer. C’est dans cet objectif que nous avons rassemblé plus de cent personnalités, allant de Kaoutar Harchi à Corinne Masiero, en passant par Adèle Haenel et Etienne Balibar, autour d’un texte d’opposition frontale à la réforme des retraites. C’était « L’Appel de Politis ».

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En plus de documenter les conséquences du passage de l’âge légal de départ à la retraite de 62 à 64 ans sur les femmes, nous voulions envoyer un message fort : rassembler toutes ces voix de syndiquées, d’employées, de chômeuses, de chercheuses ou de députées pour montrer qu’elles font bloc. Le 15 février, dans la salle Olympe-de-Gouges, à Paris, plus d’un millier de personnes sont venues s’exprimer, débattre et entendre les discours, les chants et les analyses des intervenantes.

« On est là ! »

L’intersyndicale fait bloc, les rues sont bondées. Dans les villes moyennes comme dans les grands centres urbains, les manifestants interpellent le gouvernement. Politis fait ce choix aussi. À plusieurs reprises, notre hebdomadaire s’oppose frontalement à la surdité de l’exécutif. Et en révèle les conséquences. C’est le cas avec un numéro exceptionnel réunissant l’entretien de Médine et un reportage sur la grève des travailleurs portuaires du Havre, par Maxime Sirvins et Hugo Boursier. Un dossier qui souligne la nécessaire convergence des luttes dans une séquence déjà historique.

Couverture Politis 1749 Médine grève reportage port du Havre
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Le combat porté par le rappeur havrais, qui souhaite faire entendre les voix des travailleurs et travailleuses précaires, trouve des échos dans l’Assemblée nationale. La députée Rachel Keke, figure emblématique des la lutte des femmes de chambre des hôtels Ibis Batignolles, en a fait son combat. La cheffe de file pour La France insoumise sur les questions de pénibilité nous donnait sa lecture de la situation, quelques jours après son retentissant discours à l’Assemblée nationale.

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Crise de régime

16 mars. La France bascule. Poussé par Emmanuel Macron qui refuse, quoiqu’il en coûte, de renoncer à son texte malgré l’opposition générale du pays, la Première ministre, Elisabeth Borne, utilise l’article 49-3 de la Constitution. Alors que les intellectuels tirent la sonnette d’alarme, comme Barbara Stiegler, de nombreux rassemblements surviennent dans toute la France, débordant la stratégie cadencée de l’intersyndicale. Avec comme question centrale : l’utilisation légitime de la force du côté des manifestants.

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Joanie Lemercier Soulèvements de la Terre
Politis a pu s’entretenir avec l’artiste et activiste, Joanie Lemercier, qui a affiché un message de soutien après la dissolution des Soulèvements de la Terre.
ZOOM : Les jeunes, force motrice d’un mouvement inédit ?

Certains disent qu’ils ont tardé à venir. Eux répondent que les périodes d’examen du mois de janvier et les inscriptions pour l’obtention des bourses ont ralenti leur engagement contre la réforme. Durant des mois,  les jeunes ont été scrutés. Avec appréhension, notamment par l’exécutif qui craignait un débordement généralisé s’ils entraient dans la danse. Un bloc uni, avec comme seul horizon, la victoire ? Comme en 2006 avec le recul du gouvernement de l’époque sur le contrat première embauche (CPE). Un souvenir qui fait froid dans le dos des soutiens à la réforme. Mais les temps ont changé. Le syndicalisme étudiant s’est transformé, et le distanciel, qui a envahi les universités, est devenu un outil contre-insurrectionnel. Des blocages qui n’empêchent pas les jeunes de vouloir durcir le mouvement de contestation. Après des débuts difficiles, les lycéens et étudiants sont entrés massivement dans les rues après l’utilisation du 49-3. C’est ce que nous racontions ici.

Face à eux, la répression s’organise. Les policiers frappent, blessent, crèvent des yeux et cassent des os. La justice, elle, condamne. À tour de bras. Laissant à penser, à l’instar d’Elsa Dorlin, que la brutalité des forces de l’ordre s’inscrit dans « un continuum répressif », où le mot de violence est tordu. À l’avantage des puissants. C’est ce dont témoigne l’enquête de Nadia Sweeny sur ces préfets qui veulent museler les manifestations. Un article dans la lignée d’un dossier exclusif sur la docilité des ces cadres de l’administration vis-à-vis d’Emmanuel Macron.

Pourtant, la violence se situe bien du côté des forces de l’ordre. En quelques nuits, des centaines de personnes sont blessées. Pour certaines d’entre elles, les dégâts resteront à jamais. Politis en a rassemblée plusieurs dans sa cour. Une rencontre forte, puissante, que nous racontons dans ce dossier.

Couverture Politis 1752 violences d'état

Que faut-il retenir de ce long mouvement contre la réforme des retraites ? Pour tenter de répondre à cette question, Clémentine Mariuzzo s’est rendue à Lannion pour suivre la grève inédite de salariés d’Idea Optical, une société de production de fibre optique en Bretagne. Un mouvement qui a une résonne toute particulière avec celui contre la réforme des retraites. Pierre Jequier-Zalc, lui, a toqué à la porte des syndicats pour regarder dans le rétroviseur.

Forces de l’ordre : une nécessaire réforme

D’un drame à l’autre, la police s’illustre par sa violence. En pleines manifestations contre la réforme des retraites, le rassemblement à Sainte-Soline éclate par la brutalité de sa répression. Et les mensonges du gouvernement pour la légitimer.

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Et puis survient le meurtre de Nahel. Le 27 juin, à Nanterre, ce jeune adolescent de 17 ans meurt sous le tir à bout portant d’un policier lors d’un contrôle routier. Des révoltes éclatent. D’abord dans la ville des Hauts-de-Seine, puis dans les autres quartiers populaires d’Île-de-France mais aussi dans des villes plus petites, partout en France.

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Avec comme principale revendication : mettre fin au racisme systémique dans la police. En collaboration avec Basta!, un numéro qui raconte la manière dont les refus d’obtempérer sont devenus, notamment avec la réforme de 2017, un véritable permis de tuer.

ZOOM : Permis de lutter, nouvelle chronique de répression des luttes

Institutions, associations, ONG, tribunes… Les alertes sur la répression en cours à l’encontre des mouvements sociaux se multiplient. Pour la constater, il faut la documenter. C’est tout l’enjeu de notre nouveau projet, Permis de lutter. Sur cette page, tous nos contenus sont en accès-libre. Un travail que l’on estime nécessaire pour défendre les fondamentaux de notre démocratie. Mais qui a aussi besoin de vous.

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Une résistance en idées

Réforme des retraites, soulèvements écologistes, dérive autoritaire, révoltes contre les violences policières… Les séquences de crise du système actuel se sont multiplié. Et ont propulsé les intellectuels à se positionner. Politis leur a donné une place centrale pour éclairer le débat public, pollué par les attaques nauséabondes du système Bolloré.

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En janvier, Politis proposait 50 nouvelles idées à une gauche qui s’est perdu, au fil des ans, dans une forme d’anti-intellectualisme. Au carrefour de plusieurs champs universitaires, la parole a été donnée au philosophe, Michael Foessel, sur le fascisme qui nous menace, à l’anthropologue, François Héran et à l’écrivain Jean-Marie Gustave Le Clézio sur les migrations, à la professeure en droit public à Nanterre, Stéphanie Hennette-Vauchez, sur la démocratie. C’est à cette occasion que nous nous sommes posés la question de l’état de nos libertés fondamentales, avec ce dossier : « Macron II : sommes-nous toujours libres ? » Comme une chronique de résistance hybride, polyphonique, dans notre nouvelle formule, la rubrique Intersections, a donné la parole à des universitaires au croisement de plusieurs spécialités.

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Pour certains commentateurs, les manifestations sont le signe tangible et indiscutable que nous sommes, en France, en démocratie. Mais comment qualifier un régime où la liberté de manifester se paye d’une peur au ventre ?

Manifester la peur au ventre, par Rose-Marie Lagrave

Les « Face à », des entretiens incontournables

Autre nouvelle rubrique lancée depuis cet hiver, les « Face à ». Ces entretiens, illustrés par Maxime Sirvins, prennent le temps de la réflexion. Signe que le temps mérite de ralentir, pour mieux réfléchir, ils ont été très souvent « libérés » par les abonnés du journal, et placés en libre-accès. C’est le cas de celui de Laurence Marandola, la nouvelle porte-parole de la Confédération paysanne, interviewée par Vanina Delmas, ou d’Yves Marignac, son homologue à l’institut NégaWatt. Régulièrement porté par le vent de la préservation du vivant et des écosystèmes, cet espace a pu faire découvrir des alternatives concrètes, comme celles proposées par l’ingénieur et essayiste Vincent Liegey, dans un entretien accordé à Rose-Amélie Bécel.

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La culture de l’engagement

Des artistes sont aussi entrés dans la rubrique Face à. C’est le cas du comédien Swann Arlaud, à l’occasion du film retraçant la vie de Robert Linhart, l’auteur de L’Établi, publié en 1978. Dans un entretien mené par Christophe Kantcheff, le comédien se confie sur ses engagements et sa place dans la contestation contre la réforme des retraites. Comment la culture interroge l’engagement et le combat politique : c’est ce qui a donné le la de la rubrique avec, entre autres, le parcours de Manu Dibango, par Pauline Guedj, le portrait de Philippe Durand par Anaïs Heluin ou encore le suivi de la mobilisation d’étudiants en école d’art, par une interview de Zoé Neboit avec le Massicot, un jeune syndicat qui porte leur voix.

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Fin de ce tour d’horizon d’une demi-année des plus intenses. Politis vous donne rendez-vous fin août pour continuer de « défricher les idées » et de « nourrir les combats ». À bientôt.

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